ÉDITION SPÉCIALE Vol. 149, no 3
Gazette du Canada
Partie Ⅱ
OTTAWA, LE VENDREDI 17 JUILLET 2015
Enregistrement
TR/2015-67 Le 17 juillet 2015
LOI SUR LA TOLÉRANCE ZÉRO FACE AUX PRATIQUES CULTURELLES BARBARES
Décret fixant à la date d’enregistrement du présent décret la date d’entrée en vigueur de la partie 3 de la loi
C.P. 2015-1073 Le 16 juillet 2015
Sur recommandation du ministre de la Justice et en vertu de l’article 16 de la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, chapitre 29 des Lois du Canada (2015), Son Excellence le Gouverneur général en conseil fixe à la date d’enregistrement du présent décret la date d’entrée en vigueur de la partie 3 de cette loi.
NOTE EXPLICATIVE
(Cette note ne fait pas partie du Décret.)
Proposition
Le présent décret prévoit que la partie 3 de la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, qui a reçu la sanction royale le 18 juin 2015, entrera en vigueur au moment de l’enregistrement.
La Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares (la Loi), anciennement appelée le projet de loi S-7, est divisée selon les trois parties suivantes.
La partie 1 renferme des modifications à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui ajouteront la pratique de la polygamie comme nouveau motif d’interdiction de territoire. Comme des règlements sont nécessaires pour appuyer l’application de ce nouveau motif, la partie 1 de la Loi entrera en vigueur plus tard.
La partie 2 contient des modifications à la Loi sur le mariage civil qui codifient les exigences relatives au consentement libre et éclairé et la dissolution de tout mariage précédent; elles établissent également à 16 ans l’âge minimal absolu pour le mariage, partout au pays (modifications entrées en vigueur au moment de la sanction royale).
La partie 3 renferme des modifications au Code criminel :
- qui précisent que le fait, pour un célébrant autorisé par la loi, de célébrer sciemment un mariage en violation du droit fédéral constitue une infraction (ce qui comprend un mariage forcé ou précoce, conformément aux modifications apportées à la Loi sur le mariage civil);
- qui créent deux nouvelles infractions liées au fait de célébrer (avec ou sans autorisation légale) une cérémonie de mariage, y aider ou y participer (par exemple jouer un rôle actif pour s’assurer que le mariage ait lieu) sachant qu’au moins une des personnes qui se marient le fait contre son gré (article 293.1) ou est âgée de moins de 16 ans (article 293.2). Les deux infractions sont des actes criminels qui sont punissables d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans;
- qui prévoient que commet une infraction quiconque fait passer un enfant à l’étranger avec l’intention qu’il y soit commis un acte qui, s’il était commis au Canada, constituerait un mariage forcé ou précoce;
- qui créent un nouvel engagement de ne pas troubler l’ordre public qui vise à empêcher la tenue d’un mariage forcé ou précoce, ou pour empêcher une personne de faire passer un enfant à l’étranger en vue d’un mariage forcé ou précoce;
- qui prévoient que la défense de provocation se limite aux situations dans lesquelles la victime a eu une conduite qui constitue un acte criminel prévu au Code criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus.
Objectif
Les modifications prévues dans la partie 3 de la Loi visent à combler une lacune dans la loi en traitant directement du préjudice social causé par l’adhésion d’une collectivité à une cérémonie de mariage précoce ou forcé. Ces mariages non voulus créent des liens juridiques qui sont difficiles à briser et dans le cadre desquels des agressions sexuelles sont susceptibles de se produire. Les modifications prévoient aussi des outils pour empêcher la tenue de mariages précoces et forcés et pour empêcher que des enfants soient emmenés à l’étranger dans le but d’être mariés de force ou de manière précoce. Finalement, les modifications limitent l’application de la défense de provocation, afin qu’il ne soit plus possible de l’invoquer dans les cas de meurtres d’honneur et de nombreux homicides conjugaux.
Contexte
Dans le discours du Trône d’octobre 2013, le gouvernement s’est engagé à veiller à ce que les mariages précoces et forcés et autres pratiques culturelles barbares ne se produisent pas en sol canadien.
Pour l’application de la Loi, les pratiques culturelles « barbares » englobent diverses formes de violence familiale fondée sur le sexe, comme les mariages précoces, forcés et polygames, ainsi que la violence liée à l’honneur. Ces pratiques, comme les autres formes de violence familiale, ont un effet néfaste sur les familles et la société en général.
Avant cette loi, il n’existait aucune infraction précise, dans le Code criminel, qui soit liée aux mariages forcés ou précoces. Au cours des 10 dernières années, plus de 10 pays occidentaux (dont le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Australie) ont créé des infractions criminelles liées aux mariages forcés. Les modifications comblent une lacune dans la loi en traitant directement du préjudice causé par les mariages précoces et forcés. Ces deux nouvelles infractions servent aussi de points d’ancrage pour les mesures de prévention proposées dans le projet de loi, notamment l’engagement de ne pas troubler l’ordre public spécifique et l’interdiction de faire passer un enfant à l’étranger dans le but de le marier de force ou de manière précoce.
L’engagement de ne pas troubler l’ordre public relatif au mariage forcé ou précoce est une ordonnance préventive rendue par un juge de la cour provinciale en vertu du Code criminel qui permet aux victimes éventuelles de se protéger contre un mariage forcé ou précoce sans que des membres de leur famille soient accusés d’un acte criminel. L’engagement de ne pas troubler l’ordre public visant à prévenir un mariage forcé ou précoce peut être obtenu par la victime ou au nom de celle-ci lorsque le juge est convaincu que la victime a des motifs raisonnables de craindre que le défendeur commette une infraction liée à un mariage forcé ou précoce. L’engagement de ne pas troubler l’ordre public oblige le défendeur à accepter de respecter des conditions précises de bonne conduite, notamment s’abstenir de prendre des dispositions en vue de la tenue d’un mariage forcé ou précoce ou s’abstenir de quitter le ressort territorial du tribunal et remettre tout passeport en sa possession. Le défendeur ne fera pas face à des accusations criminelles, à moins qu’il ne respecte pas l’ordonnance.
De plus, il y a eu des signalements d’enfants canadiens qui ont été emmenés à l’étranger en vue d’un mariage forcé ou précoce. La Loi établit que le fait de faire passer un enfant à l’étranger à cette fin constitue un acte criminel.
Dans les cas de meurtre, l’article 232 du Code criminel prévoit une défense partielle de provocation. Cette défense s’applique uniquement lorsqu’il a été prouvé que le meurtre était intentionnel. Cette défense pourrait être retenue lorsque l’accusé soulève un doute raisonnable en soutenant avoir commis le meurtre « dans un accès de colère » après avoir perdu la maîtrise de soi, ce qui jusqu’ici était défini comme étant un comportement attribuable à « une action injuste ou une insulte » de la part de la victime qui peut priver une personne ordinaire de la capacité de se maîtriser. Cette défense est « partielle », parce que plutôt que d’entraîner l’acquittement de l’accusation de meurtre, elle donne lieu à une condamnation pour homicide involontaire coupable.
La défense de provocation prévue dans le Code criminel a été invoquée dans plusieurs cas de « meurtre d’honneur » au Canada, même si elle a été rejetée dans chaque cas. Cette défense a aussi été invoquée dans bon nombre d’homicides conjugaux, et elle a été retenue à quelques occasions. Dans ce type de cas, le comportement « provocant » de la victime consiste généralement en une conduite légitime comme des mots ou des gestes insultants, le fait de mettre un terme à une relation ou l’infidélité réelle ou perçue.
Les modifications au Code criminel limitent l’application de la défense de provocation afin que celle-ci ne puisse être invoquée que si la victime a eu une conduite qui constitue un acte criminel. Cela permet de garantir que cette défense ne puisse être soulevée dans les cas de « meurtres d’honneur » et dans de nombreux cas d’homicides conjugaux. En outre, certains pays partageant les mêmes idées ont pris des mesures, au cours des dernières années, afin d’abolir ou de limiter cette défense (par exemple l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni).
Répercussions
Lorsque les dispositions législatives seront en vigueur, commettra une infraction toute personne qui célèbre sciemment un mariage précoce ou forcé; participe activement à une cérémonie de mariage tout en sachant qu’une des parties se marie contre son gré ou est âgée de moins de 16 ans; fait passer un enfant à l’étranger en vue d’un mariage forcé ou précoce. En outre, la loi prévoira que l’engagement de ne pas troubler l’ordre public peut être demandé par les victimes ou en leur nom, afin de demander une protection contre un mariage forcé ou précoce imminent. Tout manquement à un tel engagement constituerait un acte criminel.
De plus, la défense de provocation ne s’appliquera plus à une « action injuste ou une insulte » de la part de la victime, mais se limitera aux situations où la provocation présumée consiste en une conduite qui constitue un acte criminel punissable d’une peine d’emprisonnement de cinq ans ou plus. Cela signifie que dans les cas de violence familiale, cette défense ne pourrait plus être utilisée lorsque l’agresseur soutient avoir été provoqué par une conduite comme le mode de vie ou les fréquentations de la victime.
Consultation
Lors de l’élaboration des divers aspects du projet de loi, des partenaires fédéraux ont été consultés, notamment Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada, Condition féminine Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada.
Des discussions sur le mariage forcé et précoce et la violence liée à l’honneur ont aussi eu lieu, au cours des dernières années, avec des représentants provinciaux et territoriaux du système de justice au cours de divers ateliers et dans des tribunes fédérales-provinciales-territoriales.
Personnes-ressources du ministère
Joanne Klineberg
Avocate-conseil
Section de la politique en matière de droit pénal
Ministère de la Justice Canada
Téléphone : 613-957-0199
Télécopieur : 613-941-9310
Gillian Blackell
Avocate-conseil
Section de la famille, des enfants et des adolescents
Ministère de la Justice Canada
Téléphone : 613-954-1444
Télécopieur : 613-952-5740