Vol. 150, no 11 — Le 1er juin 2016

Enregistrement

DORS/2016-101 Le 20 mai 2016

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Règlement modifiant le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014)

C.P. 2016-367 Le 20 mai 2016

Sur recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et en vertu du paragraphe 21(1) (voir référence a) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (voir référence b), Son Excellence le Gouverneur général en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), ci-après.

Règlement modifiant le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014)

Modification

1 Le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014) (voir référence 1) est modifié par adjonction, après l’article 57, de ce qui suit :

Aiguillage vers un organisme d’aide aux victimes

Définitions

57.1 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 57.2 à 57.4.

organisme d’aide aux victimes Tout organisme  :

renseignements d’aiguillage S’entend, relativement à une personne :

Limite à la communication

57.2 (1) Dans le cadre de l’exercice des fonctions prévues à l’alinéa 18a) de la Loi ou découlant de la common law, le membre ayant qualité d’agent de la paix peut communiquer à un organisme d’aide aux victimes des renseignements d’aiguillage relatifs à une personne seulement si les conditions ci-après sont remplies :

Communication à l’égard de tiers

(2) Dans le cadre de la communication à un organisme de renseignements d’aiguillage relatifs à une personne, le membre peut communiquer des renseignements concernant des tiers impliqués dans le crime, l’infraction ou l’incident en cause — notamment leur nom et le lieu où ils pourraient se trouver — seulement dans la mesure où ces renseignements sont nécessaires pour aiguiller la personne vers l’organisme sans mettre en danger qui que ce soit.

Information à la personne dirigée

57.3 La Gendarmerie déploie des efforts raisonnables pour veiller à ce que toute personne à l’égard de laquelle des renseignements d’aiguillage ont été communiqués à un organisme d’aide aux victimes afin de la diriger vers celui-ci soit informée de la communication.

Effet

57.4 Il est entendu que les articles 57.2 et 57.3 n’ont pas pour effet :

Entrée en vigueur

2 Le présent règlement entre en vigueur six mois après la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Ce résumé ne fait pas partie du Règlement (voir référence 2).)

Enjeux

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) assure la prestation de services de police fédérale dans l’ensemble du Canada et de services de police locale au moyen de services de police contractuelle dans 3 territoires, 8 provinces, approximativement 150 municipalités et plus de 600 collectivités autochtones.

Au fil des ans, divers instruments, dont des protocoles d’entente (PE), des mesures législatives provinciales et la Politique relative aux services d’aide aux victimes (la Politique) nationale de la GRC, ont été utilisés pour autoriser la GRC à divulguer les renseignements personnels d’une victime qui a subi ou qui risque de subir un préjudice de nature corporelle ou émotive ou une perte économique (aiguillage proactif) à des organismes d’aide aux victimes (OAV). L’ensemble de ces instruments n’est pas utilisé dans les provinces où les services de police sont offerts par la GRC. Par contre, lorsque c’est le cas, ces instruments n’ont pas pour effet d’autoriser la GRC à faire des aiguillages proactifs à la totalité des OAV dans les provinces.

Par exemple, Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick disposent de mesures législatives (voir référence 3) et de PE conclus avec la GRC dans l’ensemble de leur administration respective autorisant des aiguillages proactifs aux OAV qui sont des entités gouvernementales (services aux victimes axés sur le système, c’est-à-dire dont la gestion est assurée par les gouvernements provinciaux, ou services d’aide aux victimes offerts par la police). La Saskatchewan dispose aussi de mesures législatives et de PE autorisant des aiguillages proactifs. La législation de la Saskatchewan n’est pas promulguée et, en conséquence, des PE ont été signés individuellement par la GRC et chacun des 11 OAV situés dans des détachements de la GRC. La gestion de ces PE est assurée par les conseils d’administration des organismes communautaires sans but lucratif d’aide aux victimes. Par conséquent, la GRC ne peut pas faire d’aiguillages proactifs à d’autres types d’OAV, notamment des OAV communautaires, mis en place ou qui pourraient l’être dans les provinces de Terre-Neuve-et-Labrador, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de la Saskatchewan, selon le cas.

Un certain nombre de provinces n’ont pas eu recours à des mesures législatives autorisant des aiguillages proactifs en raison d’opinions divergentes sur la question à savoir si la province est l’autorité compétente pour promulguer des lois et des règlements autorisant la GRC à faire des aiguillages proactifs.

En Colombie-Britannique, aucun PE ou mesure législative n’autorise des aiguillages proactifs; ces aiguillages sont faits dans le cadre de la Politique aux organisations de services aux victimes situées dans des détachements de la GRC. Par conséquent, la GRC ne peut pas faire d’aiguillages proactifs à plus de 40 % des OAV dans la province puisqu’il s’agit d’OAV communautaires.

Également, en Nouvelle-Écosse, au Manitoba, en Alberta, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et au Nunavut, la GRC ne peut pas faire d’aiguillages proactifs en raison de l’absence de PE ou de mesures législatives autorisant les aiguillages proactifs à des services communautaires d’aide aux victimes, des services aux victimes axés sur le système, des services d’aide aux victimes offerts par le système judiciaire et des services d’aide aux victimes offerts par la police, selon le cas.

Les provinces et les territoires ayant conclu des arrangements pour la prestation de services policiers de la GRC ont fait part de leurs préoccupations concernant la nécessité d’élaborer un cadre qui permettra d’assurer une approche uniforme en matière d’aiguillages proactifs dans l’ensemble des administrations où des services de police sont assurés par la GRC, tout en jetant des bases juridiques solides sur lesquelles de tels aiguillages peuvent reposer. Un cadre réglementaire permettra à la GRC de surmonter les obstacles qui l’empêchent de faire des aiguillages proactifs et d’assurer la conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur la protection des renseignements personnels en énonçant en termes non équivoques les conditions à respecter pour justifier de tels aiguillages.

Contexte

Les pouvoirs que possède la GRC en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, de la Loi sur les infractions en matière de sécurité et de la common law comprennent notamment les suivants : prévenir la criminalité et mener des enquêtes le cas échéant; maintenir la paix et l’ordre; protéger la vie et la propriété; faire appliquer les lois; contribuer à la sécurité nationale; veiller à la sécurité des représentants de l’État et des dignitaires en visite et lors de missions à l’étranger et assurer la prestation de services de soutien opérationnel à d’autres services de police et organismes d’application de la loi tant au pays qu’à l’étranger.

La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada englobe les pouvoirs et fonctions des policiers prévus en common law comme étant des pouvoirs et fonctions conférés aux membres de la GRC. En d’autres mots, si une fonction ou un pouvoir policier est prévu en common law, notamment maintenir la paix et protéger la vie, cette fonction ou ce pouvoir est prévu et intégré dans la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Les décisions judiciaires rendues par les tribunaux continuent de définir et de préciser les pouvoirs et fonctions des policiers en common law.

Les intervenants du système de justice moderne, y compris les services de police, s’efforcent de répondre plus efficacement aux besoins des victimes d’actes criminels et de reconnaître le rôle qu’elles assument tout au long du processus de justice pénale. Dans le cadre de ce processus, des OAV provinciaux, dont les centres des services aux victimes du ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse et le BC Centre for Elder Advocacy and Support (le centre de défense et de soutien des aînés de la Colombie-Britannique), offrent des services d’aide aux victimes en vue de les protéger et de les soutenir et les aident à surmonter le traumatisme de la victimisation. Les OAV provinciaux assument aussi un rôle au sein du système de justice pénale en tant que témoins de façon à identifier les délinquants et à les obliger à répondre de leurs actes.

Les membres de la GRC doivent aider les victimes lorsque cette aide est requise dans l’exercice des fonctions policières prévues en common law, notamment pour maintenir la paix, prévenir la criminalité et protéger la vie et la propriété. Cela peut nécessiter la divulgation de renseignements importants à propos d’une victime à un OAV de sorte qu’il puisse établir un premier contact avec la victime et lui fournir les renseignements et les services dont elle a besoin. Comme la politique opérationnelle le prévoit, un membre de la GRC tentera tout d’abord d’obtenir le consentement de la victime avant de divulguer ses renseignements à un OAV. Si la victime consent à la divulgation, il n’y a aucune atteinte à la vie privée. Par contre, en l’absence de consentement, un membre de la GRC aurait le pouvoir en common law de faire un aiguillage proactif pour maintenir la paix, prévenir la criminalité ou protéger la vie ou la propriété. Par exemple, en l’absence d’une autorisation législative expresse, un membre de la GRC aurait le pouvoir en common law de divulguer des renseignements sur une victime de violence conjugale à un OAV de façon à protéger sa vie au motif que l’agresseur s’est auparavant rendu coupable de voies de faits graves contre elle, qu’il est toujours en liberté et qu’il a récemment menacé la victime de lui infliger des sévices. Le membre de la GRC peut également avoir des motifs de croire qu’il y a un risque que la victime subisse des préjudices de nature corporelle ou émotive et que l’OAV pourrait contribuer à atténuer ces risques, par exemple, en lui trouvant un centre d’hébergement temporaire pour femmes.

Toutefois, la légalité de l’aiguillage proactif en common law sera tributaire de divers facteurs, dont le risque que des préjudices soient infligés à la victime, le type de renseignements personnels divulgués, le fait que l’aide de l’OAV puisse atténuer le risque de préjudices et la mise en œuvre d’autres moyens pour atténuer le risque de préjudices de façon plus respectueuse de la vie privée de la victime. Dans le même ordre d’idée, la jurisprudence donne une définition très vague du pouvoir policier exercé en common law de faire des aiguillages proactifs. Dans leurs décisions judiciaires, les tribunaux n’ont jamais décrit les conditions en vertu desquelles la GRC peut divulguer de façon proactive les renseignements personnels d’une victime à un OAV, ni frappé d’interdit de telles divulgations.

La levée par voie législative d’obstacles qui empêchent la GRC de communiquer des renseignements personnels à des OAV sans le consentement des victimes, notamment celles qui sont inaptes ou incapables de donner leur consentement dans certaines circonstances (par exemple parce qu’elles sont sous l’emprise d’un agresseur), est un problème de longue date. Le fait de faciliter le processus d’aiguillage proactif permettra de protéger et d’aider les victimes de façon plus efficace, d’assurer des processus de justice pénale plus efficients et de favoriser la prestation de services d’aide aux victimes.

Le Groupe de travail spécial fédéral, provincial et territorial (FPT) sur les aiguillages de la GRC aux organisations assurant des services aux victimes a été créé pour résoudre la question des obstacles aux aiguillages proactifs. En juin 2012, ce groupe a présenté son rapport définitif aux ministres FPT responsables de la justice et de la sécurité publique, qui ont approuvé la recommandation ci-après :

« Que Sécurité publique Canada travaille avec la GRC et consulte le Groupe de travail FPT sur les victimes d’actes criminels, au besoin, pour établir un règlement pris par le gouverneur en conseil, comme l’autorise l’alinéa 21(1)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, qui permettrait l’échange de renseignements avec les services d’aide aux victimes conformément à l’alinéa 8(2)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. »

Objectifs

Le Règlement, intitulé Règlement modifiant le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014) [RGRC], permettra d’assurer une approche uniforme en matière d’aiguillages proactifs dans la majorité des administrations (voir référence 4) où des services de police sont offerts par la GRC (voir référence 5), tout en jetant des bases juridiques solides sur lesquelles de telles divulgations de renseignements d’aiguillage peuvent reposer. Le Règlement respecte les exigences prévues à l’alinéa 8(2)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et il est en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés pour les raisons ci-après. Tout d’abord, le Règlement confère le pouvoir légal de divulguer des renseignements personnels limités de façon proactive selon les conditions qui y sont prévues. Ensuite, la divulgation proactive de renseignements personnels à un OAV constituera une atteinte raisonnable à la vie privée d’une personne puisque les mesures de protection prévues dans le Règlement font en sorte que le minimum de renseignements soit divulgué et uniquement dans des circonstances appropriées. Enfin, les objectifs du gouvernement visant à empêcher que des victimes subissent des préjudices et à atténuer les risques pour la sécurité publique sont vraisemblablement suffisants pour justifier une atteinte limitée à la vie privée.

Les objectifs du Règlement consistent à :

Description

Le Règlement a pour effet :

Cette approche a pour effet d’autoriser la GRC à aiguiller de façon proactive l’ensemble des personnes actuellement dirigées vers des ressources appropriées aux termes d’un PE, d’une mesure législative provinciale et dans le cadre de la Politique. Par exemple, la GRC pourrait faire une divulgation proactive des renseignements sur une personne ayant été directement visée par un incident (par exemple voies de fait) et sur toute personne pouvant être en danger parce qu’elle a été témoin de l’incident ou qu’elle subira un certain préjudice parce que l’incident impliquait un parent, une personne avec qui elle a tissé des liens personnels ou une personne dont elle dépend. Les renseignements sur des personnes, notamment des voisins qui risquent d’être mis en danger à la suite d’un incident semblable en raison de leur proximité physique, pourraient aussi faire l’objet d’une divulgation proactive. Le Règlement exige que la GRC s’engage à déployer tous les efforts raisonnables pour s’assurer que la personne dont les renseignements d’aiguillage ont été divulgués à un OAV en soit informée.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas dans le cadre de cette proposition, car elle n’entraîne aucun changement dans les coûts administratifs des entreprises.

Lentille des petites entreprises

La lentille des petites entreprises ne s’applique pas, car la proposition n’entraîne aucun coût pour les petites entreprises.

Consultation

Le Groupe de travail FPT sur les victimes d’actes criminels, qui est composé de directeurs de chaque service aux victimes provincial, a été consulté sur le Règlement au cours d’une conférence téléphonique tenue le 22 avril 2013. Une lettre de consultation a été transmise par voie électronique le 5 juin 2013 aux organismes non gouvernementaux d’aide aux victimes et aux défenseurs des droits des victimes. La vaste majorité des services d’aide aux victimes provinciaux et territoriaux (membres du Groupe de travail FPT sur les victimes d’actes criminels), des organismes non gouvernementaux d’aide aux victimes et des défenseurs des droits des victimes (membres du Comité consultatif national sur les victimes d’actes criminels) qui ont été consultés en 2013 appuient le Règlement.

Consultation de 2013

Les organismes d’aide aux victimes provinciaux et territoriaux ayant été consultés sont les suivants : Services aux victimes et prévention du crime (ministère de la Sécurité publique et du Solliciteur général de la Colombie-Britannique), Services aux victimes et prévention du crime (ministère du Solliciteur général et de la Sécurité publique de l’Alberta), Services aux victimes (ministère de la Justice de la Saskatchewan), Justice Manitoba, Services aux victimes (ministère de la Justice du Manitoba), Services aux victimes de l’Ontario (ministère du Procureur général de l’Ontario), Bureau d’aide aux victimes d’actes criminels (ministère de la Justice du Québec), Services aux victimes (Division des services communautaires et correctionnels, ministère de la Sécurité publique du Nouveau-Brunswick), Services aux victimes (Division des services judiciaires, ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse), Programme de services aux victimes (ministère de la Justice de Terre-Neuve-et-Labrador), Services aux victimes (ministère de l’Environnement, du Travail et de la Justice de l’Île-du-Prince-Édouard), Justice communautaire et services aux victimes (ministère de la Justice du Yukon), Justice communautaire et services de police communautaire (ministère de la Justice des Territoires du Nord-Ouest) et Justice communautaire (ministère de la Justice du Nunavut).

Les organismes non gouvernementaux d’aide aux victimes et de défense des droits des victimes ayant été consultés sont les suivants : le Groupe des services d’aide aux victimes du détachement de la GRC de Drayton Valley, les Services aux victimes du Nord de la Saskatchewan, l’Ending Violence Association of British Columbia, le St. John’s Status of Women Council, Le Projet pour hommes, MADD Canada (Les mères contre l’alcool au volant), les Services aux victimes d’Ottawa, le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, la Native Women’s Association of the Northwest Territories, l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes, Priscilla de Villiers (défense des droits des victimes) et Wilma Derksen (défense des droits des victimes).

Certains organismes craignent que le Règlement n’établisse pas la distinction entre le cas où une victime n’est pas en mesure d’accorder son consentement et celui où la victime a expressément refusé de le faire. Ils ont ajouté que le fait de passer outre au refus d’une victime de voir ses renseignements divulgués à un organisme d’aide aux victimes peut miner sa confiance envers le système de justice pénale et avoir un effet paralysant sur sa volonté de faire appel à ce système ou de collaborer avec ses diverses composantes.

Ces organismes craignent aussi que le Règlement soit trop restrictif. Selon le point de vue d’un organisme, les victimes privées de capacité ou qui ne sont pas disponibles pour accorder leur consentement doivent faire l’objet d’un aiguillage proactif, que cet aiguillage ait pour effet ou non d’assurer le maintien de la paix ou encore d’empêcher un crime, une perte de vie ou des préjudices de nature corporelle ou émotive. Selon un autre organisme, la GRC devrait être tenue d’informer une victime de la divulgation de ses renseignements personnels résultant d’un aiguillage proactif.

Quant à la première préoccupation exprimée, des préjudices de nature corporelle ou émotive ou une perte économique ou un risque à cet égard (plutôt que la distinction entre les victimes privées de la capacité d’accorder leur consentement et celles qui refusent de le faire) peuvent faire partie des conditions à remplir pour faire des aiguillages proactifs en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, le Manuel des opérations de la GRC traite de la distinction à faire entre les victimes privées de la capacité d’accorder leur consentement et celles qui refusent de le faire. Le manuel sera mis à jour pour tenir compte du Règlement.

Quant à la préoccupation voulant que les aiguillages proactifs puissent susciter la méfiance des victimes envers le système de justice pénale et avoir un effet paralysant sur leur volonté de faire appel à ce système ou de collaborer avec ses diverses composantes, le Règlement vise à empêcher les victimes, notamment celles sous l’emprise d’un agresseur, de se sentir isolées et, par conséquent, d’être doublement victimisées. Les victimes peuvent se sentir encore plus isolées si elles ignorent les ressources du système de justice pénale mises à leur disposition, ou l’état d’avancement de l’enquête policière ou du cas en instance de cour les concernant. L’objectif du Règlement consiste à faciliter l’accès à l’information sur l’aide et les services offerts aux victimes, et ce, en temps opportun. Ainsi, les victimes qui obtiennent des informations pertinentes sur les services assurés par les diverses composantes du système de justice pénale devraient mieux comprendre le fonctionnement du système et être prêtes à tirer parti des services de ces composantes et à collaborer avec ces dernières. Elles devraient, par la même occasion, se sentir moins isolées. Quant à la préoccupation voulant que le Règlement soit trop restrictif, les divulgations proactives de renseignements concernant une victime à un OAV, pour le seul motif qu’elle est frappée d’une incapacité ou qu’elle n’est pas disponible pour accorder son consentement, auront vraisemblablement pour effet d’augmenter le risque de non-conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés.

Quant à l’exigence d’informer une victime de la divulgation de ses renseignements personnels résultant d’un aiguillage proactif, la politique opérationnelle exige qu’un membre de la GRC avise la victime sur les lieux de l’incident, du crime ou de l’infraction de la divulgation de ses renseignements personnels à un OAV dans le cadre d’un aiguillage proactif. Lorsqu’elle n’est pas en mesure d’aviser la victime de l’aiguillage proactif sur les lieux, la GRC devra déployer des efforts raisonnables pour s’assurer que la victime est informée de la divulgation de ses renseignements personnels. La GRC travaillera en collaboration avec les provinces à l’élaboration d’une procédure prévoyant qu’en l’absence d’un avis à la victime d’un aiguillage proactif fait par la GRC, l’OAV ayant communiqué avec la victime par suite d’un aiguillage proactif avisera la victime de la divulgation de ses renseignements personnels.

Les préoccupations et recommandations du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada touchant l’Évaluation des facteurs relatifs à la vie privée du Programme des services aux victimes de la GRC de 2011 et les deux éléments du Programme, soit le recours à la Politique et à des PE pour autoriser la GRC à divulguer des renseignements personnels d’une victime à des OAV d’un gouvernement provincial, ont aussi été pris en considération dans le cadre de la rédaction du Règlement.

L’Ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a également avalisé le Règlement.

Consultation de 2014

Le Règlement a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada le 15 février 2014, suivi d’une période de 30 jours aux fins de commentaires. Dix observations écrites ont été soumises à cet égard. La majorité des organisations et des personnes ayant soumis des observations avalise le Règlement.

Un particulier craint que les renseignements d’aiguillage qui sont divulgués à un OAV en vertu du Règlement ne soient pas suffisants pour permettre aux intervenants des services aux victimes d’aider ces dernières adéquatement. Bien que les renseignements d’aiguillage communiqués soient limités pour assurer la conformité à la Charte canadienne des droits et libertés, ils sont tout de même suffisamment détaillés pour permettre aux OAV de communiquer avec une victime et de lui offrir une aide et des services. Si la victime accepte cette offre, l’intervenant des OAV pourra obtenir de la victime toute l’information additionnelle requise pour lui offrir l’aide ou les services demandés. Tout en mettant à l’avant l’opinion selon laquelle l’aiguillage proactif contrevient aux droits de la personne, un particulier a demandé à savoir comment la GRC réagira si une victime refuse d’être aiguillée vers un OAV précis, mais qu’elle souhaite plutôt être aiguillée vers des services d’aide aux victimes offerts par la police. Les importants objectifs visant à empêcher que des victimes subissent des préjudices et à atténuer les risques pour la sécurité publique sont vraisemblablement suffisants pour justifier une atteinte limitée à la vie privée lorsque les conditions prescrites sont respectées. En général, la GRC aiguillera une victime vers l’OAV de son choix.

Une organisation non gouvernementale d’aide aux victimes a soumis un certain nombre de préoccupations à propos du Règlement. Premièrement, elle s’inquiète du fait que l’aiguillage proactif pourrait nuire à certaines victimes, et qu’il pourrait même porter atteinte à leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. Deuxièmement, l’organisation s’inquiète de l’effet dissuasif que pourrait avoir, sur une victime, le fait de savoir que l’aiguillage proactif est connu du public ou que son cas a fait l’objet d’un aiguillage proactif à un OAV en ce qui a trait à sa volonté de faire appel à diverses composantes du système, et surtout dans des situations de violence familiale. Troisièmement, cette même organisation s’inquiète du fait que, conformément à la politique actuelle, un membre de la GRC est tenu d’informer une victime de l’aiguillage proactif sur les lieux de l’incident, alors que selon le Règlement, les membres de la GRC doivent faire des efforts raisonnables pour s’assurer que la victime est informée de la divulgation de ses renseignements personnels. Quatrièmement, elle s’oppose à la mise en œuvre du Règlement, et elle demande au ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, à la GRC et aux divers gouvernements provinciaux et territoriaux d’adopter des mesures exigeant le consentement de la victime. Enfin, l’organisation demande que ces entités et le gouvernement s’inspirent de la Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la divulgation de renseignements confidentiels en vue d’assurer la protection des personnes, adoptée en 2000 par le gouvernement du Québec, laquelle permet de divulguer des renseignements personnels en présence d’un danger imminent de mort ou de blessures graves comme motifs de divulgation.

En ce qui concerne la première préoccupation, le Règlement est conforme aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Les divulgations proactives de renseignements personnels limités aux OAV lorsque les conditions prescrites sont réunies sont conformes aux grands objectifs du gouvernement qui consistent à maintenir la paix ou à prévenir un crime ou une infraction, un préjudice physique ou émotionnel ou des pertes financières. Ces objectifs suffisent à justifier une atteinte limitée à la vie privée.

Pour ce qui est de la préoccupation visant l’effet dissuasif que pourrait entraîner la connaissance de l’aiguillage proactif, d’autres éléments peuvent, s’ils sont connus, avoir le même effet, notamment la possibilité qu’un conjoint violent soit accusé après que sa victime l’ait dénoncé par téléphone auprès de policiers, et le fait que la victime peut être appelée à témoigner. La prévention de la violence conjugale est un enjeu difficile et complexe. Les policiers et les OAV reconnaissent qu’il faut aborder et traiter les victimes de violence avec le plus grand soin en raison du risque de préjudice auquel elles sont exposées. Il vient cependant un moment où les professionnels du système de justice pénale doivent intervenir afin d’empêcher que ne s’aggravent les risques de préjudice pour les victimes de violence. Le Règlement accroîtra l’accès à l’information et réduira l’isolement et la vulnérabilité des victimes. En habilitant les victimes par la diffusion d’information opportune sur le soutien et les services disponibles, le Règlement leur permettra d’être mieux outillées pour faire face à leur situation quotidienne et pour assurer leur sécurité.

Pour ce qui est de la troisième inquiétude, la GRC informera la victime sur les lieux de l’incident que ses renseignements personnels seront divulgués lorsqu’il est possible et approprié de le faire compte tenu de son état. Toutefois, il peut y avoir des cas où un membre de la GRC ne soit pas en mesure d’aviser une victime d’un aiguillage proactif après le fait. La GRC entend collaborer avec les provinces pour élaborer une procédure prévoyant que l’OAV avise la victime de la divulgation de ses renseignements personnels lorsqu’elle n’a pas été informée d’un aiguillage proactif par la GRC.

En ce qui concerne l’opposition de l’organisation visant la mise en œuvre du Règlement et sa demande au ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, à la GRC et à divers gouvernements provinciaux et territoriaux de prendre des mesures relatives à l’aiguillage exigeant le consentement de la victime, le Règlement met en œuvre la recommandation qu’a formulée le Groupe de travail spécial FPT sur les renvois de la GRC aux services d’aide aux victimes au sujet de la divulgation proactive et qu’ont approuvée les sous-ministres FPT responsables de la justice et de la sécurité publique en juin 2012 (voir référence 6).

Quant à la demande de l’organisation pour que les gouvernements s’inspirent de la Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la divulgation de renseignements confidentiels en vue d’assurer la protection des personnes dans laquelle sont énoncés des motifs de divulgation des renseignements personnels, le Règlement intègre la notion de la protection des personnes d’un danger imminent de mort ou de blessures graves, qui prévoit comme motif d’aiguillage proactif la prévention de préjudices physiques. Conformément au Règlement, les renseignements personnels limités concernant une victime ne peuvent être divulgués qu’à un OAV. La majorité des intervenants qui ont été consultés appuient le Règlement qui prévoit comme motifs d’aiguillage proactifs la prévention d’un préjudice émotionnel ou de pertes financières, le maintien de la paix ou la prévention d’un crime ou d’une infraction.

Bien que, dans l’ensemble, une organisation provinciale d’aide aux victimes se dise satisfaite du Règlement, elle se demande tout de même si l’utilisation du terme « pourrait » dans les paragraphes 18.2(1) et (2) du Règlement portant sur l’aiguillage proactif serait susceptible d’amener les membres de la GRC à ne pas interpréter et appliquer le Règlement de façon uniforme. L’organisation ajoute que les décisions visant l’aiguillage doivent être prises par la police après des incidents de crise, qui surviennent souvent tard la nuit lorsque le besoin des victimes pour obtenir des services est le plus urgent, et que tout retard quant à la communication, aux fins d’aiguillage, des renseignements de la victime dans de telles circonstances est inquiétant. L’organisation demande s’il y aurait lieu d’envisager de remplacer l’expression « pourrait » par « devra » dans les paragraphes. La GRC doit avoir un pouvoir discrétionnaire pour procéder à un aiguillage proactif. Par exemple, la GRC a pour politique de ne pas procéder à des aiguillages proactifs dans des administrations où la loi empêche la divulgation de renseignements personnels d’une personne qui refuse de donner son consentement, comme c’est le cas au Yukon et en vertu de sa Victims of Crime Act. La capacité de déterminer s’il est approprié de procéder à un aiguillage proactif en vertu du Règlement vient avec la formation et l’expérience. Les normes de formation, l’InfoWeb (le site Web interne de la GRC), le Guide des directives et la politique nationale d’aide aux victimes de la GRC seront mis à jour pour y refléter le Règlement.

Le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) du Canada estime que la GRC ne devrait pas avoir l’autorité réglementaire pour divulguer des renseignements personnels sur des victimes à un OAV ou à d’autres entités sans obtenir le consentement de la personne visée. Il ajoute que le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation ne présente aucune justification ou aucun argument probant pour autoriser l’aiguillage sans consentement. En autorisant la divulgation proactive de renseignements personnels limités aux OAV lorsque les conditions prescrites sont réunies, le Règlement préviendra les préjudices, ou même le décès, et atténuera les risques pour la sécurité publique. De plus, le Règlement est conforme aux grands objectifs du gouvernement qui consistent à maintenir la paix ou à prévenir un crime ou une infraction, un préjudice physique ou émotionnel ou des pertes financières. Ces objectifs suffisent à justifier une atteinte limitée à la vie privée.

Le CPVP juge inadmissible de donner aux membres de la GRC la marge de manœuvre discrétionnaire pour passer outre la volonté des victimes explicitement exprimée et pour communiquer les renseignements personnels des témoins et des voisins dans bien des cas à leur insu ou sans leur consentement. Il ajoute qu’en donnant aux membres de la GRC le pouvoir de déterminer quand les renseignements personnels peuvent être communiqués à un OAV, on viole le principe fondamental du consentement à l’égard de la protection des renseignements personnels, et cela ne semble pas non plus concorder avec les principes énoncés dans la Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité de 2003, qui a été approuvée par les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice et qui stipule que la protection des renseignements personnels des victimes devrait être considérée et respectée dans la plus grande mesure possible. La GRC s’efforcera, dans la mesure du possible, d’obtenir le consentement de la victime pour l’aiguiller vers un OAV. Le Règlement autorisera les membres à divulguer à un OAV, de façon proactive, seulement les renseignements personnels qui sont nécessaires pour assurer un aiguillage sécuritaire vers un OAV. L’objectif du Règlement est de faciliter l’accès des victimes en temps opportun à l’information sur l’aide et les services dont elles peuvent se prévaloir, ce qui concorde avec les principes énoncés dans la Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité de 2003, qui stipule ce qui suit : « Il convient de renseigner les victimes au sujet des services d’aide disponibles et des autres programmes dont elles peuvent se prévaloir ainsi que des moyens qui s’offrent afin d’obtenir une indemnisation financière ». Le Règlement est également conforme aux droits qui sont garantis par la Charte canadienne des droits des victimes qui est entrée en vigueur le 23 juillet 2015, ce qui comprend le droit à l’information, le droit à la protection et le droit à la participation au système de justice pénale.

Le CPVP estime également que l’aiguillage proactif prévu dans le Règlement crée le risque que les victimes se sentent de nouveau victimisées par la divulgation de leurs renseignements personnels. L’aiguillage proactif permettra d’offrir aux victimes de l’aide et des services, et les victimes pourront ensuite prendre une décision éclairée quant au recours ou non à ces services. La prestation d’aide et de services au moyen de l’aiguillage proactif devrait éviter aux victimes de se sentir isolées et de nouveau victimisées.

L’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels et l’Association canadienne des chefs de police appuient le Règlement, et ils estiment que le fait d’informer les victimes à l’avance sur l’aiguillage proactif devrait permettre d’atténuer tout sentiment potentiel d’intrusion.

Justification

Les organismes d’aide aux victimes aident les victimes d’une manière qui d’une part les empêche de subir des sévices et qui d’autre part permet d’atténuer les risques pour la sécurité publique. Par exemple, ces organismes réduisent les risques en offrant protection et appui aux victimes et ils les aident à surmonter le traumatisme découlant d’une infraction. Par conséquent, les victimes sont en mesure d’assumer un rôle au sein du système de justice pénale et de collaborer plus efficacement avec ses diverses composantes. Afin de soutenir efficacement les victimes, les organismes d’aide aux victimes doivent recevoir des renseignements essentiels pour leur permettre de communiquer avec les victimes en temps opportun afin de leur fournir des informations importantes et de leur offrir des services. Le Règlement a pour effet de lever les obstacles à l’aide aux victimes d’actes criminels et d’assurer des processus de justice pénale plus efficaces en dotant la GRC d’une approche uniforme et sans équivoque en matière d’échange de renseignements sur les victimes avec des organismes d’aide aux victimes dans les administrations où les services de police sont assurés par la GRC. La divulgation proactive par la GRC de renseignements personnels rigoureusement limités à des organismes d’aide aux victimes favorisera la prestation de services d’aide aux victimes de façon plus efficace et efficiente, empêchera les victimes de subir des préjudices et atténuera les risques pour la sécurité publique.

Le Règlement ne devrait pas engendrer de coûts supplémentaires puisque les conditions visant les aiguillages proactifs énoncées dans le Règlement ainsi que dans les PE de la GRC et dans sa Politique sont en grande partie compatibles et que, par conséquent, la GRC n’apportera pas des modifications importantes à ses pratiques actuelles. Toutefois, la mise en place du Règlement permettra d’inscrire officiellement dans la législation les conditions relatives aux aiguillages proactifs en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le Règlement ne devrait pas avoir d’incidence sur la coordination ou la collaboration réglementaire avec d’autres ministères fédéraux. La GRC participe aux aiguillages proactifs faits à des organismes d’aide aux victimes aux termes de PE, de mesures législatives provinciales et dans le cadre de sa Politique. Elle continuera de faire des aiguillages proactifs en vertu du Règlement.

Mise en œuvre, application et normes de service

Le Règlement entrera en vigueur six mois après la date de son enregistrement.

En raison des modifications, la GRC devra actualiser ses manuels et procédures, donner des directives à ses membres et aviser les intervenants concernés des modifications apportées.

Les intervenants seront informés des modifications au Règlement par l’entremise des réseaux FPT établis, notamment de l’Association canadienne des chefs de police et au moyen du site Web de la GRC.

Personne-ressource

Angela Arnet Connidis
Directrice générale
Sécurité publique Canada
Direction générale de la prévention du crime, des affaires correctionnelles et de la justice pénale
340, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0P8
Téléphone : 613-991-2952
Télécopieur : 613-949-6507
Courriel : ps.consultationsonregulations-consultationdereglements@canada.ca