Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie : DORS/2024-90

La Gazette du Canada, Partie II, volume 158, numéro 12

Enregistrement
DORS/2024-90 Le 16 mai 2024

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2024-518 Le 16 mai 2024

Attendu que la gouverneure en conseil juge que les actions de la Fédération de Russie constituent une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui a entraîné une grave crise internationale,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu de l’alinéa 4(1)a)référence a et des paragraphes 4(1.1)référence b, (2)référence c et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence d, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie

Modifications

1 La partie 1 de l’annexe 1 du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie référence 1 est modifiée par adjonction, selon l’ordre numérique, de ce qui suit :

2 La partie 2 de l’annexe 1 du même règlement est modifiée par adjonction, selon l’ordre numérique, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

3 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

4 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Depuis 2023, la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) et la Russie ont rapidement intensifié leur coopération en matière d’armement, notamment en ce qui concerne le transfert de munitions et de missiles balistiques, qui ont été liés à des pertes civiles en Ukraine. Des particuliers et des entités du secteur russe des transports facilitent l’acquisition d’armes, d’équipements et de technologies auprès de la Corée du Nord pour permettre au gouvernement russe de les utiliser dans le cadre de son invasion illégale de l’Ukraine.

Contexte

Le 24 février 2022, le président russe Vladimir Poutine a annoncé « une opération militaire spéciale » alors que les forces russes lançaient une invasion à grande échelle de l’Ukraine à partir des territoires russe et biélorusse. Cette opération se poursuit en mai 2024, et de violents combats persistent dans l’est et le sud de l’Ukraine. Dans le cadre de sa stratégie militaire, la Russie continue de tirer des missiles et de lancer des attaques de drones kamikazes contre des infrastructures civiles essentielles. En février 2024, la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine a confirmé qu’au moins 10 000 civils avaient été tués et que 20 000 avaient été blessés depuis le 24 février 2022. En outre, 444 établissements médicaux et 1055 établissements d’enseignement en Ukraine ont été endommagés ou détruits par l’armée russe depuis l’invasion.

Depuis août 2023, la Corée du Nord a fourni d’importantes quantités de munitions et d’autre matériel à la Russie, notamment des missiles balistiques. Plusieurs gouvernements, organisations non gouvernementales et le groupe d’experts du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) ont signalé que la Russie se procure des armes et des munitions nord-coréennes directement auprès de la Corée du Nord par le biais de navires de charges et d’avions commerciaux. Le matériel est traité dans divers ports russes de la côte pacifique avant d’être transporté par train vers des dépôts de munitions situés près de la frontière entre la Russie et l’Ukraine.

Des responsables ukrainiens ont rapporté que les forces russes ont lancé des dizaines de fois des missiles nord-coréens contre l’Ukraine (dont au moins trois missiles balistiques), ce qui a entraîné la mort de victimes civiles. En décembre 2023 et mars 2024, des responsables ukrainiens ont signalé que la Russie avait utilisé des missiles balistiques nord-coréens à courte portée en Ukraine. Ces renseignements sont corroborés par des recherches en source ouverte menées par l’organisation non gouvernementale Conflict Armament Research. Des recherches publiées en janvier 2024 et l’évaluation menée par un groupe d’experts de l’ONU en avril 2024 ont conclu que les débris récupérés d’un missile ayant atterri à Kharkiv, en Ukraine, le 2 janvier 2024, provenaient d’un missile balistique nord-coréen à courte portée.

Réponse internationale 

La coalition des pays qui appuient l’Ukraine dans sa lutte contre l’invasion illégale de la Russie comprend, sans s’y limiter, le G7, des pays européens et certaines des nations voisines de l’Ukraine. Ce groupe agit sur différents plans pour soutenir l’Ukraine, notamment la sécurité énergétique, la sûreté nucléaire, la sécurité alimentaire, l’aide humanitaire, la lutte contre la désinformation russe, l’application de sanctions et de mesures économiques, la saisie et la confiscation de biens, l’assistance militaire, l’imputabilité, le redressement et la reconstruction. Le Canada et les pays du G7 mènent des efforts diplomatiques auprès du reste de la communauté internationale afin de rallier des appuis en faveur de l’Ukraine et de contrer les faux discours russes. Des votes très importants tenus dans des instances multilatérales ont eu pour effet d’isoler la Russie, notamment l’adoption de résolutions à l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) pour condamner l’agression russe contre l’Ukraine (mars 2022), déplorer les conséquences humanitaires de cette agression (mars 2022), suspendre la participation de la Russie au Conseil des droits de l’homme des Nations de l’ONU (avril 2022) et condamner l’annexion illégale par la Russie de territoires ukrainiens (octobre 2022).

La Corée du Nord a mentionné qu’elle appuie l’invasion de l’Ukraine par la Russie depuis 2022 et continue de le faire, notamment en votant contre les résolutions de l’ONU qui condamnent les mesures prises par la Russie, et en reconnaissant Donetsk et Louhansk, qui sont contrôlés par la Russie depuis 2022. La Russie a utilisé sa position privilégiée en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies pour plaider en faveur de la levée des sanctions contre la Corée du Nord, notamment en bloquant d’autres résolutions et, plus récemment, en utilisant son veto pour opposer le renouvellement d’un groupe d’experts du Conseil de sécurité des Nations Unies chargé d’enquêter sur les contournements des sanctions liés à la Corée du Nord. Le veto opposé uniquement par la Russie (la Chine s’est abstenue) a eu pour effet de supprimer une source très importante, crédible et indépendante d’établissement de rapports sur le contournement des sanctions par la Corée du Nord, notamment au sujet des transferts d’armes entre cette dernière et la Russie.

Réponse du Canada 

À la suite de l’occupation illégale et de la tentative d’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, le gouvernement du Canada, en coordination avec ses partenaires et alliés, a promulgué des sanctions au moyen du Règlement pris en application de la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES). Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (le Règlement sur la Russie) impose des interdictions d’opérations (un gel effectif des avoirs) aux particuliers et entités désignés qui soutiennent ou permettent la violation par la Russie de la souveraineté de l’Ukraine. Il est donc interdit à toute personne au Canada et à tout Canadien à l’étranger, à l’égard d’une personne désignée, d’effectuer une opération portant sur un bien lui appartenant, de conclure une transaction avec elle, de lui fournir des services ou par ailleurs de mettre des marchandises à sa disposition, conformément aux annexes 1, 2 et 3 du Règlement sur la Russie.

En coordination avec ses partenaires internationaux, le Canada a imposé des sanctions à plus de 3 000 particuliers et entités en Russie, au Bélarus, en Ukraine et en Moldavie, qui sont complices de violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et de la Moldavie et de violations des droits de la personne. Le Canada applique aussi des restrictions ciblées visant la Russie dans les secteurs des finances, du commerce (biens et services), de l’énergie et des transports.

Objectif

L’imposition de ces mesures vise précisément à :

Description

Les modifications apportées au Règlement sur la Russie ajoutent à l’annexe 1 du Règlement deux particuliers et six entités liées au secteur des transports qui ont participé à des activités ayant contribué à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, notamment en facilitant le transport de munitions, de missiles balistiques et d’autres matériels de la Corée du Nord vers la Russie. Les deux particuliers sont de hauts responsables d’entreprises connues pour transporter des armes de la Corée du Nord vers la Russie. Les entités sont des entreprises qui possèdent des capacités de transport maritime, de fret aérien et d’autres capacités logistiques qui permettent de transférer des conteneurs nord-coréens vers des installations de soutien militaire en Russie.

Il est donc interdit à toute personne au Canada ou à tout Canadien à l’étranger, à l’égard d’une personne désignée, d’effectuer une opération portant sur un bien lui appartenant, de conclure une transaction avec elle, de lui fournir des services, de lui transférer des biens ou par ailleurs de mettre des marchandises à la disposition de particuliers ou d’entités inscrits (personnes). En vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, les particuliers désignés sont également interdits de territoire au Canada.

En vertu du Règlement sur la Russie, les personnes désignées peuvent demander à la ministre des Affaires étrangères que leur nom soit retiré de l’annexe des personnes désignées. La ministre doit déterminer s’il y a des motifs raisonnables de recommander au gouverneur en conseil de retirer leurs noms.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada consulte régulièrement les intervenants pertinents, notamment des organisations de la société civile, des communautés culturelles et des représentants d’autres gouvernements aux vues similaires, pour discuter de l’approche du Canada relative à la mise en œuvre de sanctions.

Concernant les modifications, des consultations publiques n’auraient pas été appropriées, puisque la communication du nom des personnes visées par les sanctions entraînerait probablement la fuite de biens avant l’entrée en vigueur des modifications.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une première évaluation de la portée géographique de l’initiative a été effectuée et n’a pas permis de déterminer d’obligations découlant de traités modernes, puisque le Règlement sur la Russie ne prend pas effet dans une zone de traité moderne.

Choix de l’instrument

Au Canada, les règlements sont les seuls instruments permettant d’appliquer des sanctions. Aucun autre instrument ne pourrait être considéré.

Analyse de la réglementation

Coûts et avantages

Le coût additionnel, pour le gouvernement du Canada, d’administrer et d’appliquer ces interdictions supplémentaires est minime. Les sanctions visant des entités et des particuliers précis ont également moins d’impact sur les entreprises canadiennes que les sanctions économiques habituelles à grande échelle, et ont un impact limité sur les citoyens du pays des entités et particuliers désignés. Une première évaluation des informations de source ouverte disponibles permet d’estimer que les personnes désignées ont des liens limités avec le Canada et qu’elles n’ont donc pas de relations d’affaires importantes pour l’économie canadienne. On s’attend donc à ce que ces modifications n’aient pas de répercussions importantes sur les entreprises canadiennes.

Les banques et les institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Pour ce faire, elles ajouteront les nouvelles entités et les nouveaux particuliers désignés à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de mise en conformité mineur.

Lentille des petites entreprises

En ce qui a trait aux personnes désignées au titre du Règlement sur la Russie, l’analyse du point de vue des petites entreprises a permis de conclure que les modifications réglementaires n’auront pas d’impact sur les petites entreprises canadiennes. Les modifications interdisent aux entreprises canadiennes de traiter avec les personnes désignées, de leur fournir des services ou de mettre des biens à leur disposition, mais ne créent pas d’obligations à leur égard. Bien que les entreprises canadiennes puissent demander des licences en vertu du Règlement sur la Russie, celles-ci sont accordées à titre exceptionnel. Affaires mondiales Canada ne prévoit pas de demandes découlant de l’inscription de ces personnes; par conséquent, il n’y aurait pas de fardeau administratif supplémentaire découlant de cette exigence. Les petites entreprises canadiennes sont également assujetties à l’obligation de divulgation en vertu du Règlement sur la Russie, ce qui représenterait une exigence de conformité directe. Toutefois, étant donné que les particuliers nouvellement désignés ont des liens connus limités avec le Canada, Affaires mondiales Canada ne prévoit aucune divulgation découlant des modifications.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas, car les modifications n’entraîneront pas de changement en ce qui concerne le fardeau administratif des entreprises. Le processus d’octroi de licences pour les entreprises correspond à la définition de « fardeau administratif » dans la Loi sur la réduction de la paperasse. Toutefois, bien que des licences puissent être octroyées en vertu du Règlement sur la Russie, à titre exceptionnel, étant donné que ces particuliers et entités sont étroitement liés au complexe militaro-industriel de la Russie, qu’elles n’ont aucun lien commercial connu avec l’économie canadienne et qu’elles sont également sanctionnées dans d’autres pays, Affaires mondiales Canada ne prévoit aucune demande de licence à l’égard des modifications.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient liées ni à un plan de travail ni à un engagement dans le cadre d’un mécanisme officiel de coopération en matière de réglementation, elles sont harmonisées avec les mesures prises par les partenaires internationaux du Canada.

La durée des sanctions imposées par le Canada et ses partenaires aux vues similaires a été explicitement liée au règlement pacifique du conflit et au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières reconnues internationalement, ce qui comprend la Crimée et la mer territoriale de l’Ukraine. Les partenaires internationaux du Canada continuent de mettre à jour leurs régimes de sanctions contre des personnes et des entités en Russie et d’imposer des interdictions de commerce et d’investissement de grande portée à la Russie.

De nombreux partenaires du Canada aux vues similaires, dont l’Australie, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, la République de Corée (Corée du Sud), le Royaume-Uni, et l’Union européenne, ont également adopté des désignations en réponse au transfert d’armes entre la Corée du Nord et la Russie dans le cadre de leurs régimes de sanctions autonomes respectifs.

Évaluation environnementale stratégique

Il est peu probable que les modifications entraînent des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus

Le sujet des sanctions économiques a déjà fait l’objet d’une analyse des effets sur l’égalité des genres et la diversité dans le passé. Bien qu’elles visent à encourager un changement de comportement en exerçant une pression économique sur des particuliers et des entités dans des États étrangers, les sanctions prises en vertu de la LMES peuvent néanmoins avoir une incidence involontaire sur certains groupes et certaines personnes vulnérables. Or, au lieu d’avoir un effet sur la Russie dans son ensemble, les sanctions ciblées toucheront plutôt les particuliers soupçonnés de mener des activités qui soutiennent, facilitent ou financent, directement ou indirectement, la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ou qui y contribuent. Ainsi, il est peu probable que ces modifications aient un impact important sur des groupes vulnérables comparativement à des sanctions économiques communes de grande ampleur dirigées contre un État.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

Les modifications entrent en vigueur le jour de leur enregistrement.

Du fait de leur désignation dans le Règlement sur la Russie, et conformément à l’application de l’alinéa 35.1b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, les personnes désignées seraient interdites de territoire au Canada.

Les noms des entités et des particuliers inscrits seront accessibles en ligne pour que les institutions financières puissent en prendre connaissance et seront ajoutés à la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes, ce qui contribuera à faciliter le respect du Règlement sur la Russie.

Le Service des délégués commerciaux du Ministère, présent à l’étranger et au Canada, continue d’aider ses clients à comprendre la réglementation canadienne en matière de sanctions, et notamment ses effets du Règlement sur la Russie sur les activités auxquelles des Canadiens pourraient prendre part. Le Ministère intensifie aussi ses campagnes d’information dans tout le pays, y compris auprès des entreprises, des universités et des gouvernements provinciaux et territoriaux, pour faire mieux connaître les sanctions canadiennes et favoriser le respect de celles-ci.

Conformément à la LMES, les agents de la Gendarmerie royale du Canada et de l’Agence des services frontaliers du Canada ont le pouvoir d’appliquer des sanctions à l’égard de violations en vertu de leurs pouvoirs définis dans la Loi sur les douanes, la Loi sur l’accise ou la Loi de 2001 sur l’accise, et les articles 487 à 490, 491.1 et 491.2 du Code criminel.

Conformément à l’article 8 de la LMES, quiconque contrevient volontairement au Règlement sur la Russie est passible, sur déclaration de culpabilité : par procédure sommaire, d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement maximale d’un an ou des deux; ou encore, par mise en accusation, d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Contact

Direction générale des sanctions (PSD)
Affaires mondiales Canada
125, promenade Sussex
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Téléphone (local) : 343‑203‑3975
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