La Gazette du Canada, Partie I, volume 155, numéro 25 : Règlement modifiant le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés
Le 19 juin 2021
Fondement législatif
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
Organisme responsable
Agence des services frontaliers du Canada
RÉSUMÉ DE L'ÉTUDE D'IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION
(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)
Enjeux
Le cadre pour la prise de décision prévu dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (RIPR) pour savoir si une personne est interdite de territoire au Canada pour activités de criminalité organisée pourrait être plus efficace en liant les décideurs en matière d'immigration aux conclusions de fait établies durant la poursuite de certaines infractions liées au crime organisé du système de justice pénale canadien.
Contexte
En 2017, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a déposé un rapport intitulé « Vigilance, reddition de comptes et sécurité aux frontières du Canada ». Lors de l'examen du cadre pour la détermination de l'interdiction de territoire, le Comité a remarqué que le renvoi des personnes interdites de territoire du Canada est un processus long, coûteux et complexe et que les personnes interdites de territoire ne devraient pas entrer au Canada uniquement pour une enquête et un renvoi subséquent. En réponse, le gouvernement du Canada s'est engagé à demander à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) d'envisager des options stratégiques pour améliorer l'efficacité du processus de détermination de l'interdiction de territoire. La lettre de mandat du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) inclut l'engagement de travailler avec le ministre de la Justice et procureur général du Canada afin d'élaborer de nouvelles lois et politiques pour réduire les activités des gangs et du crime organisé au Canada. Les modifications proposées aideraient à appuyer ces deux engagements.
La LIPR établit des dispositions sur l'interdiction de territoire, soit les circonstances dans lesquelles une personne ne peut pas être autorisée à entrer ou à demeurer au Canada. Une personne peut être jugée interdite de territoire au Canada pour diverses raisons, y compris pour des motifs sanitaires ou financiers ou pour des préoccupations plus graves, telles que des condamnations au criminel, ou une participation à des activités de criminalité organisée. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et l'ASFC se partagent la responsabilité de l'application des dispositions liées à l'interdiction de territoire.
Sous le régime de la LIPR, le ministre a la responsabilité stratégique pour les motifs graves d'interdiction de territoire, y compris la sécurité, l'atteinte aux droits de la personne et internationaux et la criminalité organisée. Lorsque les personnes se trouvent au Canada, l'ASFC mène des enquêtes et prend des mesures de renvoi contre les étrangers ou les résidents permanents jugés interdits de territoire pour criminalité organisée. L'ASFC peut renvoyer ces cas à la Section de l'immigration (SI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) en vue d'une enquête afin de déterminer si la personne en cause est réellement interdite de territoire. L'ASFC représente le ministre lors de ces enquêtes. Aux termes de la LIPR, la SI doit prendre une mesure de renvoi contre une personne jugée interdite de territoire.
Règlement en vigueur
Lors de l'entrée en vigueur de la LIPR, en 2002, le RIPR comportait des dispositions visant à améliorer l'efficacité et l'uniformité des procédures relatives à la sécurité et à l'atteinte aux droits de la personne et internationaux. Le cadre de réglementation existant rend les conclusions de fait établies par des tribunaux pénaux internationaux, des tribunaux pénaux canadiens ou la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la CISR exécutoires aux fins de la détermination de l'interdiction de territoire pour motifs de sécurité et d'atteinte aux droits de la personne et internationaux pour les décideurs subséquents. L'obligation de s'appuyer sur les conclusions de fait établies par des tribunaux pénaux canadiens ou par la SPR dispense les décideurs en matière d'immigration de l'obligation de réévaluer les mêmes preuves qui ont déjà été examinées par d'autres cours ou tribunaux compétents. Elle réduit également la possibilité qu'un décideur en matière d'immigration arrive à une autre conclusion que celle d'un autre tribunal pénal pour les mêmes faits. Par conséquent, le cadre de conclusions de faits rationalise le processus décisionnel et améliore l'uniformité entre les décideurs en matière d'immigration et les conclusions des tribunaux pénaux ou de la SPR.
Une conclusion de fait est une décision rendue par un juge, un jury ou un tribunal administratif sur un fait étayé par des éléments de preuve versés au dossier référence 1. De plus, lorsqu'un fait est jugé concluant ou contraignant par un décideur, le fait en question est présumé vrai référence 2. Le fait de reconnaître que les précédentes conclusions de fait sont contraignantes pour les décideurs simplifie la détermination de l'interdiction de territoire en éliminant le besoin de réévaluer les faits qui ont déjà été établis dans le système judiciaire canadien ou des cours ou tribunaux internationaux précis. À l'heure actuelle, ce n'est le cas que pour les interdictions de territoire pour motifs de sécurité ou d'atteinte aux droits de la personne ou internationaux. Si le RIPR n'établit pas clairement que les décideurs doivent traiter les conclusions de fait établies par les tribunaux pénaux canadiens comme étant concluantes, les fonctionnaires qui évaluent les allégations d'interdiction de territoire pour criminalité organisée ne sont pas liés par les conclusions de fait établies par les tribunaux canadiens et doivent procéder à une analyse individuelle d'observations qui auraient déjà fait l'objet d'un examen par un tribunal pénal canadien. Les modifications réglementaires proposées assureraient l'uniformité et simplifieraient la prise de décisions, car les décideurs en matière d'immigration ne seraient plus obligés de réévaluer des éléments de preuve ayant déjà fait l'objet d'une conclusion de fait par un tribunal pénal canadien dans le cadre de poursuites en lien avec le crime organisé.
Objectif
Les présentes modifications visent à :
- rationaliser la prise de décisions relatives à l'interdiction de territoire pour criminalité organisée sans que le ministre soit tenu d'établir des faits ayant déjà été déterminés dans une procédure pénale canadienne;
- mettre en place des pouvoirs de conclusions de fait un peu comme ceux qui existent déjà pour l'interdiction de territoire pour des motifs de sécurité ou d'atteinte aux droits de la personne et internationaux;
- assurer une plus grande cohérence dans les décisions d'interdiction de territoire pour criminalité organisée rendues par les divers décideurs de l'ASFC, d'IRCC et de la CISR.
Description
Les modifications proposées lieraient tous les décideurs en matière d'immigration aux conclusions de fait établies dans le cadre de décisions rendues par des tribunaux pénaux canadiens dans certaines circonstances, y compris des procédures concernant l'une des infractions suivantes :
- participation aux activités d'une organisation criminelle, au titre du paragraphe 467.11(1) du Code criminel;
- recrutement de membres par une organisation criminelle, au titre de l'article 467.111 du Code criminel;
- commettre une infraction pour une organisation criminelle, au titre du paragraphe 467.12(1) du Code criminel;
- charger une personne de commettre une infraction au profit d'une organisation criminelle, au titre du paragraphe 467.13(1) du Code criminel.
Les modifications proposées lieraient également les décideurs en matière d'immigration aux conclusions de fait qui ont été acceptées au cours d'une audience de détermination de la peine lorsque ces faits sont mentionnés dans les facteurs aggravants référence 3, aux termes du sous-alinéa 718.2a)(iv) du Code criminel, car l'infraction a été commise au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle, ou en association avec elle. Les modifications proposées au RIPR assureraient également l'uniformité entre une interdiction de territoire grave pour criminalité organisée et une interdiction de territoire grave liée à la sécurité ou à l'atteinte des droits de la personne ou internationaux.
Même si elles liaient les décideurs en matière d'immigration aux conclusions de fait établies dans un processus pénal canadien, les modifications proposées n'importeraient pas d'autres conclusions de droit du système de justice pénale canadien dans le processus de détermination d'interdiction de territoire. Les modifications proposées incorporeraient les conclusions de fait liées au crime organisé établies par les tribunaux, mais pas les verdicts de culpabilité ou autres critères juridiques ou définitions, comme la question de savoir si un groupe en particulier satisfait à la définition d'une « organisation criminelle » du Code criminel.
De plus, bien que les modifications proposées lieraient les décideurs en matière d'immigration aux conclusions de fait du système de justice pénale canadien, elles n'empêcheraient pas un décideur en matière d'immigration de tenir compte des conclusions de tribunaux internationaux ou étrangers en ce qui a trait au crime organisé. Les faits établis dans le cadre de procédures à l'étranger pourraient toujours être présentés comme éléments de preuve à l'appui de l'allégation d'interdiction de territoire pour criminalité organisée, mais les modifications proposées n'exigeraient pas que les conclusions de fait d'administrations étrangères soient contraignantes pour les décideurs en matière d'immigration. Enfin, les modifications proposées ne visent pas à limiter l'application des dispositions d'interdiction de territoire d'une quelconque façon; elles visent plutôt à rationaliser la prise de décision pour les cas ayant déjà fait l'objet d'une procédure criminelle dans des tribunaux canadiens.
Élaboration de la réglementation
Consultation
Une période de consultation publique de 30 jours s'est tenue du 11 février 2020 au 11 mars 2020 par le site Web Consultations auprès des Canadiens. Les intervenants suivants ont également été avisés de façon proactive :
- Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique
- Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés
- Association canadienne des conseillers professionnels en immigration
- Association du Barreau canadien
- Association canadienne des libertés civiles
- Conseil canadien pour les réfugiés
- Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada
- Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration
Aucun commentaire n'a été reçu durant le processus de consultation publique.
Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones
Les modifications proposées n'ont pas d'incidence sur les Autochtones. Elles visent le processus de détermination de l'interdiction de territoire du Canada, qui touche principalement les étrangers et les résidents permanents du Canada.
Choix de l'instrument
La réglementation est le seul instrument qui permet d'atteindre l'objectif de lier tous les décideurs en matière d'immigration aux conclusions de fait du système de justice pénale canadien. Les solutions de rechange à la réglementation, comme s'appuyer uniquement sur la politique opérationnelle de l'ASFC, ne confère pas suffisamment de pouvoir pour obliger les décideurs en matière d'immigration à traiter les faits établis par un tribunal pénal comme des conclusions de fait concluantes.
Analyse de la réglementation
Avantages et coûts
De 2015 à 2019, 604 cas liés à la criminalité organisée au Canada ont été renvoyés à la SI, soit une moyenne de 120 cas visant des résidents permanents et des étrangers par année. Le coût direct estimé, sur une période de cinq ans, pour qu'un représentant de l'ASFC se présente aux enquêtes pour ces 604 cas s'élève à 639 895 $. Les enquêtes varient tant par leur complexité que par le niveau d'effort requis pour les préparer et les présenter; cependant, les cas liés à la criminalité organisée sont extrêmement complexes et leur préparation nécessite davantage de temps et de ressources qu'un cas moyen.
Les modifications proposées ne devraient pas entraîner de coûts de mise en œuvre pour l'ASFC. Au contraire, elles devraient permettre à l'ASFC d'économiser de quatre à huit heures par cas. Par conséquent, les économies directes par année pourraient varier entre 15 817 $ et 31 644 $, équivalant à entre 79 085 $ et 158 220 $ sur cinq ans. Ces coûts sont fondés sur l'analyse des données d'un échantillon de 224 cas liés à la criminalité organisée, sur cinq ans, ayant entraîné la prise d'une mesure de renvoi. Cette analyse révèle que 12 % de ces cas avaient déjà fait l'objet de procédures d'application de la loi en matière d'immigration pour des crimes commis au Canada. L'application de 12 % aux 120 cas par année renvoyés à la SI pour criminalité organisée signifierait que 14 cas par année pourraient tirer profit de la mise en œuvre des modifications proposées.
La rationalisation et la simplification du processus décisionnel lié à la criminalité organisée entraînent également des avantages en matière de sécurité publique en appuyant un règlement accéléré des cas, ce qui permet de refuser, en temps opportun, l'accès au Canada ou le renvoi de personnes interdites de territoire du Canada, selon le cas. En s'appuyant sur les conclusions de fait établies dans le processus de justice pénale, le ministre ne sera pas obligé de préparer des observations longues et complexes pour établir les faits nécessaires pour déterminer l'interdiction de territoire pour la criminalité organisée lorsqu'un tribunal canadien l'a déjà fait.
Lentille des petites entreprises
Les modifications proposées n'auraient aucun impact sur les petites entreprises. Elles auraient seulement un impact sur le processus décisionnel relatif à l'interdiction de territoire pour les étrangers et les résidents permanents réputés interdits de territoire au Canada pour criminalité organisée.
Règle du « un pour un »
La règle du « un pour un » ne s'applique pas, car les modifications proposées n'entraîneraient pas de changement supplémentaire du fardeau administratif pour les entreprises.
Coopération et harmonisation en matière de réglementation
Il n'y a pas de composante de coopération et harmonisation en matière de réglementation (avec d'autres autorités compétentes) liée aux modifications proposées.
Analyse comparative entre les sexes plus
Une analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) a été réalisée pour 224 cas de criminalité organisée ayant entraîné la prise d'une mesure de renvoi sur une période de cinq années civiles allant de 2015 à 2019. Cette analyse a révélé que les hommes représentaient 89 % des cas, tandis que les femmes ne représentaient que 11 %. L'âge moyen des personnes visées par une mesure de renvoi était de 34 ans pour les hommes de l'échantillon, qui allait de 18 à 63 ans. Les femmes étaient âgées de 19 à 61 ans et l'âge moyen était de 39 ans. L'âge le plus fréquent (mode) pour les hommes était de 34 ans, tandis qu'il était de 54 ans pour les femmes.
L'ACS+ révèle que l'exécution de la loi en matière d'immigration pour criminalité organisée touche davantage les hommes que les femmes; les modifications proposées n'ont pas d'incidence sur les dispositions législatives relatives à l'interdiction de territoire au titre de l'article 37 de la LIPR. Les modifications proposées visent plutôt à simplifier davantage le processus décisionnel lié à l'article 37 en tenant compte des faits établis dans le cadre d'autres décisions d'un tribunal pénal canadien, réduisant ainsi le besoin des décideurs d'évaluer de nouveau tous les éléments de preuve pouvant indiquer une interdiction de territoire pour criminalité organisée. Par conséquent, les modifications proposées ne devraient pas avoir un impact disproportionné sur un groupe socioéconomique en particulier.
Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service
L'ASFC préparera une politique opérationnelle, y compris des bulletins opérationnels et des mises à jour des guides opérationnels, pour appuyer la mise en œuvre des modifications proposées.
Personne-ressource
Jeff Robertson
Gestionnaire
Unité de la politique d'interdiction de territoire
Direction générale de la politique stratégique
Agence des services frontaliers du Canada
Téléphone : 613‑946‑3996
Courriel : IEPU-UPELI@cbsa-asfc.gc.ca
PROJET DE RÉGLEMENTATION
Avis est donné que l'administrateur en conseil, en vertu du paragraphe 5(1) et de l'article 43 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés référence a, se propose de prendre le Règlement modifiant le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, ci-après.
Les intéressés peuvent présenter leurs observations au sujet du projet de règlement dans les trente jours suivant la date de publication du présent avis. Ils sont priés d'y citer la Partie I de la Gazette du Canada, ainsi que la date de publication, et d'envoyer le tout à Jeff Robertson, gestionnaire, Unité des politiques sur l'interdiction de territoire, Division de la politique d'exécution de la loi en matière d'immigration et de l'interdiction de territoire, Direction des politiques sur l'exécution de la loi en matière d'immigration, les douanes et les examens externes, Direction générale de la politique stratégique, Agence des services frontaliers du Canada (tél. : 613‑946‑3996; courriel : jeff.robertson@cbsa-asfc.gc.ca).
Ottawa, le 10 juin 2021
La greffière adjointe du Conseil privé
Julie Adair
Règlement modifiant le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés
Modification
1 Le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés référence 4 est modifié par adjonction, après l'article 16, de ce qui suit :
Application des alinéas 37(1)a) et b) de la Loi
16.1 Les décisions ci-après ont, quant aux faits, force de chose jugée pour le constat de l'interdiction de territoire d'un étranger ou d'un résident permanent au titre des alinéas 37(1)a) ou b) de la Loi :
- a) toute décision rendue au titre des articles 467.11, 467.111, 467.12 ou 467.13 du Code criminel par un tribunal canadien à l'égard de l'intéressé;
- b) toute décision concernant la détermination de la peine rendue eu égard au principe prévu au sous-alinéa 718.2(a)(iv) du Code criminel par un tribunal canadien à l'égard de l'intéressé.
Entrée en vigueur
2 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.