Vol. 149, no 16 — Le 12 août 2015
Enregistrement
DORS/2015-209 Le 31 juillet 2015
LOI RÉGLEMENTANT CERTAINES DROGUES ET AUTRES SUBSTANCES
Décret modifiant l’annexe IV de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (salvia divinorum)
C.P. 2015-1173 Le 31 juillet 2015
Sur recommandation de la ministre de la Santé et en vertu de l’article 60 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (voir référence a), Son Excellence le Gouverneur général en conseil prend le Décret modifiant l’annexe IV de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (salvia divinorum), ci-après.
DÉCRET MODIFIANT L’ANNEXE IV DE LA LOI RÉGLEMENTANT CERTAINES DROGUES ET AUTRES SUBSTANCES (SALVIA DIVINORUM)
MODIFICATION
1. L’annexe IV de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (voir référence 1) est modifiée par adjonction, après l’article 26, de ce qui suit :
27. Salvia divinorum (S. divinorum), ses préparations et dérivés, notamment :
(1) Salvinorine A (ester méthylique de l’acide (2S,4aR,6aR,7R,9S,10aS,10bR)-9-(acétyloxy)-2-(3furanyl)dodécahydro-6a,10b-diméthyl-4,10-dioxo-2Hnaphto[2,1-c]pyran-7-carboxylique)
ENTRÉE EN VIGUEUR
2. Le présent décret entre en vigueur cent quatre-vingts jours après la date de sa publication dans la Partie II de la Gazette du Canada.
RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION
(Ce résumé ne fait pas partie du Règlement et du Décret.)
Enjeux
La Salvia divinorum (S. divinorum) est une espèce de sauge de la famille des labiacées qui se présente sous forme de feuilles séchées, d’extraits et de boutures de plante. Aussi appelée « sauge des devins », cette plante cause des hallucinations lorsqu’elle est mâchée ou fumée. Les effets pharmacologiques de la S. divinorum sont semblables à d’autres hallucinogènes régis par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS), comme la diméthyltryptamine et la kétamine.
Santé Canada n’autorise aucun produit de santé thérapeutique ou naturel contenant de la S. divinorum. Même si, conformément à la Loi sur les aliments et drogues et ses règlements connexes, Santé Canada peut prendre des mesures coercitives à l’égard de quiconque vend des produits de santé naturels non homologués contenant de la S. divinorum, cette substance n’en continue pas moins d’être offerte aux jeunes Canadiens. La S. divinorum est largement vantée sur Internet comme un hallucinogène légal, et a aussi été signalée comme produit utilisé comme solution de rechange aux drogues illicites chez les adolescents et les jeunes adultes. La S. divinorum peut être achetée au Canada sur Internet et dans les « head shop » ou boutiques spécialisées.
Selon l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes de 2012-2013, environ 41 000 jeunes Canadiens de la 7e à la 12e année ont déclaré avoir consommé de la salvia pour son effet euphorique au cours des 12 mois précédents (2 %), comparativement à 3 % des jeunes qui ont déclaré avoir consommé de l’ecstasy au cours des 12 derniers mois et à 1 % des jeunes qui ont signalé avoir consommé des « sels de bain » au cours des 12 derniers mois.
Il est impossible pour les utilisateurs de S. divinorum de prédire quels effets cette substance aura sur eux. Les effets varient en fonction de divers facteurs comme la puissance du produit, la quantité consommée, la pureté du produit, le mode de consommation et l’humeur et les attentes de l’utilisateur. Les produits contenant de la S. divinorum vendus au Canada ne respectent aucune norme de qualité ou de sécurité.
Contexte
La LRCDAS fournit un cadre législatif relativement au contrôle des substances qui peuvent altérer les processus mentaux et nuire à la santé des individus et à la société lorsqu’elles sont détournées ou utilisées à mauvais escient. Présentement, plus de 300 de ces substances figurent expressément aux annexes I à IV de la LRCDAS. Les inscriptions aux annexes peuvent comprendre des plantes qui sont fumées, mâchées ou ingérées à des fins récréatives, et les substances psychoactives contenues dans de telles plantes. Les substances apparaissent dans la LRCDAS en fonction de certains critères tels leur action pharmacologique, les facteurs à prendre en considération pour leur usage thérapeutique approuvé et les preuves de l’ampleur de leur abus au Canada.
Les feuilles de S. divinorum sont mâchées ou fumées pour obtenir des effets psychotropes. Les ingrédients psychoactifs de la S. divinorum peuvent aussi être extraits, concentrés et vendus sous forme de concentré ou mélangés avec des matières végétales ou pulvérisés sur celles-ci. L’utilisation de ces substances peut entraîner des effets comme des hallucinations, des expériences extracorporelles, des évanouissements et des pertes de mémoire immédiate. Distension abdominale, confusion, hallucinations, agression, et/ou idées d’automutilation sont quelques-uns des effets indésirables associés à l’usage de la salvia. Certains risques pour la santé et la sécurité publiques associés aux effets connus de la S. divinorum comprennent la possibilité d’accidents causés par la conduite avec facultés affaiblies, et de blessures causées par la dissociation avec son entourage ou la perte de conscience.
La S. divinorum n’est présentement pas réglementée par la LRCDAS. Conformément à la Loi sur les aliments et drogues et ses règlements connexes, Santé Canada peut prendre des mesures coercitives à l’égard de la vente des produits de santé naturels non homologués contenant de la S. divinorum. Santé Canada n’a approuvé aucun produit de santé naturel contenant de la S. divinorum.
Les Mazatèques d’Oaxaca, au Mexique, utilisent traditionnellement la S. divinorum à des fins spirituelles et médicales. L’infusion des feuilles est traditionnellement ingérée pour traiter les problèmes gastrointestinaux. Cependant, au Mexique, cette substance serait utilisée principalement aujourd’hui pour ses propriétés psychédéliques dans le but de produire des expériences « mystiques » ou hallucinogènes dans le cadre de rituels spirituels. On ne connaît aucun usage industriel ou commercial de la S. divinorum au Canada. La S. divinorum peut être cultivée à des fins horticoles, mais les détaillants et les centres de jardinage vendent habituellement d’autres espèces de Salvia, et non la S. divinorum. Quelques détaillants qui se spécialisent dans les produits à base d’herbes médicinales vendent la S. divinorum. Des dizaines d’autres espèces de plantes et graines de salvia sont couramment vendues par d’autres détaillants à des fins horticoles et/ou maraîchères.
À l’échelle internationale, la S. divinorum est réglementée dans certains pays (par exemple en Australie et dans des pays européens) et dans au moins 33 états américains. Le degré de contrôle varie grandement dans ces pays et états. Certains ne font qu’imposer des restrictions sur la vente de S. divinorum aux mineurs (par exemple Maine, Californie), certains limitent la vente et la distribution avec une série de sanctions allant d’amendes à des peines de prison (par exemple Wisconsin, Espagne, Russie) et d’autres interdisent la possession, la vente et la distribution de cette substance (par exemple Australie, Allemagne, Suède). Bien que la S. divinorum ne soit pas réglementée au niveau fédéral aux États-Unis en vertu de la Loi sur les substances contrôlées, la Drug Enforcement Administration des États-Unis a inscrit la salvia comme substance préoccupante.
Objectif
L’objectif du Décret et du Règlement est de protéger la santé et la sécurité des Canadiens, particulièrement des jeunes, en établissant des contrôles en vertu de la LRCDAS sur les activités avec la S. divinorum, y compris sa vente. Le Décret et le Règlement permettront d’harmoniser les mesures de contrôle de la S. divinorum avec celles d’autres drogues hallucinogènes figurant à l’annexe de la LRCDAS, compte tenu des risques pour la santé et la sécurité associés à son usage.
Description
Premièrement, le Décret permettra d’ajouter la S. divinorum et ses préparations et dérivés à l’annexe IV de la LRCDAS. La production, le trafic, la possession en vue de faire le trafic, l’importation, l’exportation et la possession en vue de faire l’exportation seront donc interdits, sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements ou d’une exemption en vertu de l’article 56. La simple possession ne sera pas interdite en vertu de la LRCDAS. Les peines maximales associées à l’exercice des activités susmentionnées iront d’un an d’emprisonnement pour une personne reconnue coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire à une peine de trois ans d’emprisonnement pour une personne reconnue coupable d’une infraction punissable par voie de mise en accusation.
Deuxièmement, le Règlement modifiera la partie J du Règlement sur les aliments et drogues afin que ces substances soient ajoutées à l’annexe de ce dernier. En conséquence, les nécessaires d’essai contenant cette substance pourraient être homologués pour autoriser son usage par les laboratoires judiciaires et laboratoires d’analyse, et l’accès à ces substances à des fins de recherches scientifiques pourrait être autorisé.
La ministre évaluera au cas par cas les demandes d’exemption en vertu de l’article 56 de la LRCDAS autorisant l’usage de ces substances à des fins médicales traditionnelles ou spirituelles.
Règle du « un pour un »
Le Décret et le Règlement n’imposeront pas de nouveaux coûts administratifs pour les entreprises; par conséquent, la règle du « un pour un » ne s’applique pas.
Lentille des petites entreprises
Il n’est pas nécessaire de tenir compte de la lentille des petites entreprises, étant donné que les coûts globaux sont inférieurs à 1 M$, et qu’il n’y a aucune indication que les petites entreprises seront touchées de façon disproportionnelle.
Consultation
Santé Canada a publié le 19 février 2011, un Avis aux parties intéressées dans la Partie I de la Gazette du Canada, pour informer les intervenants et le grand public de la proposition d’ajouter la S. divinorum à l’annexe III de la LRCDAS. En outre, des renseignements généraux sur la S. divinorum et le projet de règlement ont été ajoutés sur le site Web de Santé Canada en février 2011.
Trois commentaires ont été reçus à l’appui de la proposition relative à l’inscription, sur la base des propriétés hallucinogènes de ces substances. Santé Canada a aussi reçu de la correspondance de Canadiens qui appuient la réglementation de la S. divinorum aux termes de la LRCDAS. Trois autres commentaires reçus étaient neutres et ne visaient qu’à obtenir plus de précisions sur la proposition relative à l’inscription.
Soixante-quinze commentaires contre la proposition décrite dans l’Avis aux parties intéressées ont été reçus. Les commentaires les plus couramment reçus invoquaient le manque de données scientifiques indiquant que l’usage de la S. divinorum cause des dommages et/ou une dépendance. Certaines autres préoccupations voulant que l’interdiction de la drogue elle-même soit inefficace, et que l’inscription à l’annexe limite les choix personnels, ont été exprimées.
Parmi les opposants à la proposition relative à l’inscription décrite dans l’Avis aux parties intéressées se trouvaient deux détaillants de la S. divinorum. L’un vendait explicitement la plante en question pour ses effets psychoactifs, alors que l’autre a affirmé qu’il vendait la plante à des fins horticoles. Il convient de noter que Santé Canada sait qu’au moins trois autres détaillants de produits à base d’herbes médicinales vendent de la S. divinorum au Canada. Aucun des répondants susmentionnés à l’Avis aux parties intéressées n’a indiqué que les effets potentiels de l’inscription de la S. divinorum en vertu de la LRCDAS se traduiraient par des ventes perdues.
En réponse aux commentaires formulés par le public durant le processus de consultation et comme suite à l’analyse subséquente de la proposition, Santé Canada a modifié la proposition initiale afin que la S. divinorum soit ajoutée à l’annexe IV plutôt qu’à l’annexe III de la LRCDAS. Cette modification élimine l’interdiction de la simple possession de ces substances et fait passer les peines maximales d’emprisonnement pour diverses infractions, comme le trafic et l’importation, de 10 ans à 3 ans.
Justification
La S. divinorum est une plante psychoactive qui cause des hallucinations et des expériences dissociatives dont la sévérité et les conséquences sont très variables pour chaque utilisateur. Aucun usage thérapeutique de la S. divinorum n’a été approuvé au Canada. Le contrôle actuel de la S. divinorum en tant que substance non réglementée par la LRCDAS a entraîné sa facilité d’accès pour les jeunes, et une fausse perception de sécurité concernant l’usage récréatif de cet hallucinogène. Le Décret et le Règlement protégeront davantage la santé et la sécurité des Canadiens, particulièrement des jeunes, en interdisant les activités non autorisées avec la S. divinorum au Canada.
Mise en œuvre, application et normes de service
Santé Canada informera les intervenants et les ministères provinciaux et territoriaux de la Santé de cette modification réglementaire et fournira les liens pertinents sur le site Web de Santé Canada à http://www.hc-sc.gc.ca/ahc-asc/legislation/acts-reg-lois/acts-reg-lois-fra.php.
Santé Canada assume la responsabilité d’autoriser (par exemple grâce à des licences, à des permis et à des exemptions) les activités réalisées avec les substances inscrites aux annexes de la LRCDAS et de surveiller la conformité avec la LRCDAS et ses règlements.
Santé Canada communiquera avec les intervenants connus et le public au sujet des mesures à prendre avant l’entrée en vigueur de ces modifications à l’annexe afin d’assurer la conformité à la Loi et à ses règlements. Les modifications en question entreront en vigueur 180 jours après leur publication dans la Partie II de la Gazette du Canada. Pour les détaillants de la S. divinorum et les jardiniers qui cultivent la plante en question, la conformité les obligera à cesser la vente de la S. divinorum de même que sa culture, étant donné que la culture entre dans l’activité interdite de production. Santé Canada fournira au besoin une orientation aux intervenants et aux membres du public concernant les mesures à prendre à l’égard des plantes S. divinorum cultivées.
Les responsables fédéraux, provinciaux et locaux de l’application de la loi sont chargés de prendre des mesures d’application en cas d’infractions à la LRCDAS ou à ses règlements. La poursuite des contraventions conformément à la LRCDAS relève du système judiciaire. Les responsables de l’application de la loi ont indiqué leur appui à l’égard de l’inscription de la salvia à l’annexe, et Santé Canada les aidera au besoin à répondre aux questions de toute personne touchée.
Ces modifications réglementaires entreront en vigueur 180 jours après la date de leur publication.
Personne-ressource
Kirsten Mattison
Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs
Santé Canada
150, promenade du pré Tunney
Ottawa (Ontario)
K1A 0K9
Courriel : OCS_regulatorypolicy-BSC_politiquereglementaire@hc-sc.gc.ca
- Référence a
L.C. 1996, ch. 19 - Référence 1
L.C. 1996, ch. 19