Règlement sur les concentrations de drogue dans le sang : DORS/2018-148
La Gazette du Canada, Partie II, volume 152, numéro 14
Enregistrement
Le 27 juin 2018
CODE CRIMINEL
C.P. 2018-952 Le 26 juin 2018
Sur recommandation de la ministre de la Justice et en vertu de l’article 253.1référence a du Code criminelréférence b, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement sur les concentrations de drogue dans le sang, ci-après.
Règlement sur les concentrations de drogue dans le sang
Alcoolémie et concentration de drogues dans le sang
Infraction sommaire
1 Pour l’application de l’alinéa 253(3)b) du Code criminel, la concentration de tétrahydrocannabinol (THC) dans le sang est établie à deux nanogrammes de THC par millilitre de sang.
Infraction mixte — drogues
2 Pour l’application de l’alinéa 253(3)a) du Code criminel, la concentration dans le sang des drogues visées à la colonne 1 du tableau du présent article est celle établie dans la colonne 2.
Article |
Colonne 1 |
Colonne 2 |
---|---|---|
1 |
Tétrahydrocannabinol (THC) |
5 ng/mL de sang |
2 |
Diéthylamide de l’acide lysergique (LSD) |
Tout niveau détectable |
3 |
Psilocybine |
Tout niveau détectable |
4 |
Psilocine |
Tout niveau détectable |
5 |
Phencyclidine (PCP) |
Tout niveau détectable |
6 |
6-Monoacétylmorphine |
Tout niveau détectable |
7 |
Kétamine |
Tout niveau détectable |
8 |
Cocaïne |
Tout niveau détectable |
9 |
Gamma-hydroxybutyrate (GHB) |
5 mg/L de sang |
10 |
Méthamphétamine |
Tout niveau détectable |
Infraction mixte — combinaison de drogues et d’alcool
3 Pour l’application de l’alinéa 253(3)c) du Code criminel, l’alcoolémie est établie à cinquante milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang et la concentration de tétrahydrocannabinol (THC) dans le sang est établie à deux virgule cinq nanogrammes de THC par millilitre de sang.
Antériorité de la prise d’effet
Loi sur les textes réglementaires
4 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.
Entrée en vigueur
5 Le présent règlement entre en vigueur à la date de sa prise.
RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION
(Ce résumé ne fait pas partie des règlements.)
Enjeux
Dans le cadre de son initiative visant à renforcer l’approche du droit pénal relativement à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue en prévision de la légalisation et de la réglementation du cannabis, le gouvernement a proposé de nouvelles infractions criminelles en vertu de la partie I de la Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois (la Loi), qui ont été adoptées par le Parlement. Ces infractions interdisent à quiconque d’avoir dans le sang certains taux de drogues affaiblissant les facultés dans les deux heures suivant le moment où l’on a cessé de conduire. Les drogues visées par ces infractions ainsi que le taux à partir duquel elles sont interdites sont établis dans le Règlement sur les concentrations de drogue dans le sang (le Règlement), adopté par la gouverneure en conseil. Le pouvoir de prendre ce règlement est édicté dans le nouvel article 253.1 du Code criminel. La partie II de la Loi entre en vigueur 180 jours après la sanction royale. Elle renferme les modifications apportées à la partie I de la Loi et renumérote les dispositions du Code criminel mentionnées dans la partie I de la Loi. Le Règlement modifiant le Règlement sur les concentrations de drogue dans le sang (le règlement modificateur) entrera en vigueur à l’entrée en vigueur de la partie II de la Loi. Il s’agit de modifications de forme apportées afin que le Règlement indique les articles renumérotés du Code criminel au moment où la partie II de la Loi entrera en vigueur.
Contexte
Sous le régime de la Loi, le Code criminel continue d’interdire la conduite avec facultés affaiblies par la drogue ou l’alcool ou une combinaison des deux (infraction de conduite avec facultés affaiblies). Cette infraction exige que l’on prouve que les facultés sont affaiblies, mais n’exige pas que l’on fournisse une preuve du taux de drogue ou d’alcool dans l’organisme. De plus, le Code criminel maintient l’infraction de conduite avec un taux d’alcoolémie (TA) supérieur à la limite sans qu’il soit requis de faire la preuve que les facultés sont affaiblies.
La Loi crée trois nouvelles infractions criminelles relatives à la conduite d’un moyen de transport qui consistent à avoir, dans les deux heures suivant le moment où l’on a cessé de conduire, une concentration de drogue dans le sang (CDS) égale ou supérieure à la limite fixée par le Règlement : (1) une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour une CDS faible; (2) une infraction mixteréférence 1 pour une CDS plus élevée; (3) une infraction mixte pour une combinaison de TA faible et d’une CDS faible. En plus de s’appliquer aux véhicules à moteur, les infractions s’appliquent à la conduite de bateaux, d’aéronefs et de matériel ferroviaire.
Les peines prévues par la Loi pour les infractions mixtes relatives aux CDS reflètent celles des infractions mixtes relatives à la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool. Ces infractions sont punissables par des peines minimales obligatoires de 1 000 $ pour une première infraction, et des peines minimales progressives sont prévues pour les récidivistes (30 jours d’emprisonnement pour une deuxième infraction et 120 jours pour une troisième infraction ou toute infraction subséquente). La peine relative à une infraction distincte punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour une CDS faible est une amende maximale de 1 000 $.
La Loi confère également au procureur général du Canada un nouveau pouvoir d’approuver le matériel de détection de drogues dans les substances corporelles qui pourra être utilisé dans le cadre d’enquêtes relatives à la conduite avec facultés affaiblies et les infractions liées aux CDS. Le procureur général conserve son pouvoir d’approuver les éthylomètres qui sont normalement utilisés pour mesurer le taux d’alcoolémie des conducteurs en bordure de route.
Le Comité sur les drogues au volant (CDV) de la Société canadienne des sciences judiciaires (SCSJ) agit en tant que conseiller scientifique du gouvernement sur les questions de conduite avec facultés affaiblies par la drogue. En avril 2017, le CDV a publié le Rapport sur les limites légales de drogues, qui expose ses conclusions et ses recommandations quant aux types de drogues et aux taux visés par les nouvelles infractions relatives aux CDS. Le CDV évalue aussi le matériel de détection mis au point par les fabricants et soumet ses recommandations au procureur général du Canada relativement à l’approbation de ce matériel aux fins de l’application du Code criminel. En novembre 2017, le CDV a publié un document énonçant ses normes et procédures d’évaluation du matériel de détection de drogues. Les deux documents du CDV ont été affichés sur le site Web de la SCSJ.
Objectifs
Les CDS établies dans le Règlement donnent effet aux infractions criminelles prévues par la Loi relativement à la CDS. La Loi facilite également les enquêtes et les poursuites mettant en cause la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, et elle transmet un message clair au public au sujet des dangers liés à la conduite d’un moyen de transport sous l’effet de drogues affaiblissantes.
Description
Le Règlement établit les CDS représentant une infraction pour le tétrahydrocannabinol (THC, le principal composant psychoactif du cannabis), le THC combiné à l’alcool, la cocaïne, le gamma-hydroxy-butyrate (GHB), la méthamphétamine, l’acide lysergique diéthylamide (LSD), la psilocine/psilocybine (champignons magiques), la phencyclidine (PCP), la 6 monoacétylmorphine (6 MAM)référence 2 et la kétamine.
En ce qui concerne le LSD, la psilocine/psilocybine, le PCP, la 6 MAM, la kétamine, la cocaïne et la méthamphétamine, la présence de n’importe quel taux détectable dans le sang dans les deux heures suivant le moment où l’on a cessé de conduire est interdite en vertu de la Loi, infraction criminelle mixte relative aux CDS.
En ce qui concerne le THC et le GHB, des CDS précises sont établies dans le Règlement. L’infraction mixte relative à la CDS de THC est établie à ≥ 5 nanogrammes (ng) par millilitre de sang. L’infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour le THC est constatée pour une CDS de 2 à 5 ng par millilitre de sang. Pour la combinaison THC et alcool, la limite légale s’établit à ≥ 2,5 ng par millilitre et la TA à ≥ 50 mg par 100 millilitres, respectivement. La CDS valant infraction pour le GHB s’établit à ≥ 5 mg par litre.
Il est à signaler que le THC est une molécule plus complexe que l’alcool. Actuellement, l’état de la science ne permet pas de donner à la population des indications générales sur la quantité de cannabis qu’il est possible de consommer avant qu’il ne soit plus sécuritaire de conduire ou avant que les limites prescrites dans le Règlement soient dépassées. Il est tout aussi difficile de fournir des conseils généraux sur le temps à attendre avant de prendre le volant après avoir consommé du cannabis. Dans ce contexte, l’approche la plus sûre pour une personne qui choisit de consommer du cannabis est de ne pas prendre le volant.
Règle du « un pour un »
La règle du « un pour un » ne s’applique pas à la présente proposition, puisqu’elle n’alourdit pas le fardeau administratif des entreprises.
Lentille des petites entreprises
La lentille des petites entreprises ne s’applique pas à la présente proposition, puisqu’elle n’alourdit pas le fardeau administratif des entreprises.
Consultation
Pour le THC, les CDS représentant une infraction qui sont énoncées dans le Règlement sont établies, en partie, en fonction des conseils donnés par le Comité sur les drogues au volant (CDV) de la Société canadienne des sciences judiciaires. Les concentrations pour le LSD, les champignons magiques (c’est-à-dire la psilocine/psilocybine), la phencyclidine (PCP), la 6 monoacétylmorphine (6 MAM) et la kétamine sont définies par « toute concentration décelable ». Ces concentrations ont été recommandées par le CDV puisque toute présence de ces drogues dans l’organisme ne permet pas la conduite routière sécuritaire. Les concentrations de GHB, de cocaïne et de méthamphétamine sont inférieures à celles recommandées par le CDV. Cela reflète la position du gouvernement selon laquelle il s’agit de drogues illicites affaiblissant les facultés et qu’on ne devrait pas en trouver à ces concentrations dans l’organisme. La concentration de GHB reflète le fait que le GHB peut être naturellement produit par l’organisme. Par conséquent, « toute concentration décelable » est inappropriée pour cette drogue.
Les provinces et les territoires n’ont pas été expressément consultés au sujet des CDS, mais ils l’ont été sur la conduite d’un moyen de transport avec facultés affaiblies par la drogue par l’intermédiaire du Groupe de travail sur la conduite avec facultés affaiblies du Comité de coordination des hauts fonctionnaires (CCHF) ainsi que du Groupe de travail fédéral, provincial et territorial (FPT) des hauts fonctionnaires (sous-ministres adjoints) sur la légalisation et la réglementation du cannabis. De plus, le gouvernement a pris en compte les points de vue de groupes comme les Mères contre l’alcool au volant (MADD) et l’Association canadienne des chefs de police, qui réclament depuis longtemps l’établissement de limites légales de CDS afin de simplifier les enquêtes et les poursuites relatives à la conduite avec facultés affaiblies par les drogues.
La publication du texte réglementaire proposé dans la Partie I de la Gazette du Canada s’accompagnait d’un avis informant les parties intéressées qu’elles disposaient de 30 jours pour présenter leurs observations, période qui s’est terminée le 13 novembre 2017. À la suite de la publication de cet avis, le Ministère a reçu dix observations (dont une par téléphone) sur le projet de règlement.
Les observations portaient sur des thèmes variés. Certaines soulevaient des craintes concernant l’état actuel de la science et l’incapacité de corroborer le lien entre des CDS constituant une infraction et la présence réelle de facultés affaiblies. D’autres intervenants ont mentionné que le moyen par lequel le cannabis est consommé (inhalation versus ingestion) influe sur le taux d’absorption dans l’organisme. D’autres personnes estiment quant à elles que les concentrations limites qui sont proposées dans le Règlement sont trop élevées et que certains conducteurs ayant des facultés affaiblies échapperont aux sanctions. D’autres soutiennent, au contraire, que les limites permises de THC sont trop faibles et pénaliseront des consommateurs de cannabis thérapeutique qui peuvent présenter une concentration détectable de THC dans le sang sans toutefois avoir les facultés affaiblies. D’autres encore se sont prononcées en faveur d’une politique de tolérance zéro pour la conduite sous l’effet de toute drogue affaiblissant les facultés en milieu de travail. Certaines des préoccupations évoquées mettent en cause la Charte et l’expectative que les infractions adoptées par règlement puissent être contestées devant les tribunaux. Enfin, l’ajout de dispositions réglementaires sur le dépistage aléatoire au travail et les concentrations légales de drogue dans les fluides buccaux a été réclamé par diverses sources.
Justification
Dans le cas du LSD, des champignons magiques, du PCP, de la 6 MAM et de la kétamine, les CDS de « tout niveau détectable » qui ont été établies sont celles recommandées par le CDV, car même une présence minime de ces drogues dans le sang est incompatible avec la conduite sécuritaire d’un moyen de transport.
Compte tenu des propriétés uniques du THC, le CDV a exposé les pour et les contre de deux taux de THC distincts, lesquels ont été adoptés dans le Règlement. Le CDV a cru bon de souligner que l’infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire liée à une concentration de 2 à 5 ng de THC par millilitre de sang ne s’inscrit pas dans une approche axée directement sur l’affaiblissement des facultés, mais plutôt sur les principes de précaution et de prévention du crime. En revanche, la CDS de 5 ng ou plus de THC par millilitre établissant l’infraction mixte repose sur une approche axée sur l’affaiblissement des facultés.
Dans le cas du GHB, de la cocaïne et de la méthamphétamine, les CDS sont inférieures à celles recommandées par le CDV. En ce qui concerne ces drogues, le CDV a basé ses recommandations sur les CDS qui auraient une incidence négative sur la capacité de conduire. Les CDS inférieures permises par le Règlement (« tout niveau détectable » pour la cocaïne et la méthamphétamine, et ≥ 5 mg par litre pour le GHB) reflètent la position du gouvernement selon laquelle il s’agit de drogues illicites affaiblissant les facultés et qu’on ne devrait pas en consommer et conduire. La CDS pour le GHB tient compte du fait que celui-ci peut être naturellement produit par l’organisme et que, par conséquent, une CDS de « tout niveau détectable » n’est pas appropriée. Les normes d’évaluation publiées du CDV concernant le matériel de détection de drogues se limitent au THC, à la cocaïne et à la méthamphétamine, qui constituent une partie de la gamme très large de drogues pouvant affaiblir les facultés. Ces autres drogues sont détectables seulement par analyse d’une substance corporelle exigée par un policier qui a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu infraction de conduite avec facultés affaiblies par la drogue après avoir observé des symptômes physiques ou le comportement erratique du conducteur.
Les CDS établies dans le Règlement sont fondées sur plusieurs éléments, dont les recommandations formulées par le CDV à partir des documents scientifiques disponibles sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, ainsi que sur l’expérience d’autres pays qui ont établi des CDS au volant. Par exemple, en ce qui a trait au THC, des scientifiques en Angleterre ont recommandé l’adoption d’une infraction pour un niveau de 5 ng par millilitre, ainsi qu’une infraction pour une concentration de THC de 3 ng par millilitre de sang s’il est combiné à 20 mg par 100 millilitres d’alcool. Cependant, l’Angleterre, où le cannabis demeure illégal, a plutôt choisi d’adopter une infraction simple pour une CDS de THC de 2 ng par millilitre. Aux États-Unis, les États du Colorado et de Washington, par exemple, ont adopté une infraction simple pour une CDS de 5 ng de THC par millilitre. Le pouvoir donné à la gouverneure en conseil d’établir par règlement des infractions fondées sur les concentrations dans le sang offre un mécanisme à la fois souple et rigoureux, qui pourra évoluer au gré des connaissances scientifiques sur les drogues affaiblissant les facultés.
Le Règlement et le règlement modificateur n’auront aucune incidence financière directe ni pour le gouvernement fédéral ni pour les gouvernements des provinces et des territoires. Les coûts de l’initiative se rapportent à d’autres éléments de la stratégie gouvernementale concernant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, dont le dépistage et l’application de la loi.
Mise en œuvre, application et normes de service
Outre la création de nouvelles infractions pénales fondées sur les CDS, la Loi contribuera à renforcer la réponse du droit pénal en matière de conduite avec facultés affaiblies par la drogue, notamment en procurant aux policiers de nouveaux outils comme le matériel de détection. Le prélèvement d’échantillons sanguins sera également facilité. La Loi propose de plus importantes réformes concernant la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool.
En collaboration avec les provinces et les territoires, Sécurité publique Canada élabore actuellement un plan stratégique national de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, pour lequel on évaluera les besoins liés à la formation des corps policiers, la capacité de formation, la technologie et la collecte de données. En septembre 2017, le gouvernement a annoncé un financement de 161 millions de dollars pour soutenir la formation des agents de première ligne sur le dépistage des indices et des symptômes de conduite avec facultés affaiblies par la drogue, le renforcement de la capacité d’application de la loi à l’échelle du pays et l’accès au matériel de détection de drogues.
Le Règlement entre en vigueur à la date de sa prise. Le règlement modificateur entre en vigueur 180 jours après la date de la sanction royale de la Loi.
Personne-ressource
Monique Macaranas
Parajuriste
Section de la politique en matière de droit pénal
Téléphone : 613-957-4752
Courriel : monique.macaranas@justice.gc.ca