Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti : DORS/2024-144

La Gazette du Canada, Partie II, volume 158, numéro 14

Enregistrement
DORS/2024-144 Le 20 juin 2024

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2024-745 Le 20 juin 2024

Attendu que la gouverneure en conseil juge que la situation dans la République d’Haïti constitue une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui est susceptible d’entraîner ou a entraîné une grave crise internationale,

Attendu que la gouverneure en conseil juge que des violations graves et systématiques des droits de la personne ont été commises en République d’Haïti,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu de l’alinéa 4(1)a)référence a et des paragraphes 4(1.1)référence b, (2)référence c et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence d, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti

Modifications

1 La partie 1 de l’annexe du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti référence 1 est modifiée par adjonction, selon l’ordre numérique, de ce qui suit :

2 L’article 1 de la partie 3 de l’annexe du même règlement est remplacé par ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

3 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

4 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ANALYSE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Les gangs criminels en Haïti opèrent en toute impunité, parfois sous la protection des élites politiques et économiques. Ces groupes assassinent, blessent et commettent des actes de violence, y compris d’ordre sexuel, de manière délibérée, pour étendre leur contrôle territorial et terroriser la population. Ces actes alimentent non seulement la détérioration continue de la sécurité et de la situation humanitaire dans le pays, mais continuent en plus de forcer le déplacement de milliers de personnes. La violence des gangs a donc entraîné une déstabilisation interne importante, interrompu les systèmes d’éducation et de santé, et perturbé les activités économiques.

Des sanctions supplémentaires en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti (Règlement sur Haïti) sont nécessaires pour exercer une pression immédiate sur les personnes qui, directement ou indirectement, contribuent ou ont contribué à la violence et à l’insécurité en Haïti.

Contexte

Depuis plusieurs années, Haïti est en proie à une crise humanitaire, sécuritaire et politique multidimensionnelle caractérisée par une inflation galopante, une pauvreté chronique, une insécurité alarmante, ainsi qu’une impasse politique qui paralyse les institutions publiques. Dans ce contexte, les Haïtiens voient leurs droits fondamentaux bafoués sur une base quotidienne. En 2024, environ 5,5 millions d’Haïtiens, dont 3 millions d’enfants, dépendront de la protection et de l’aide humanitaires.

Au cours des trois dernières années, l’escalade de la violence des gangs en Haïti a eu des effets dévastateurs sur la population. Ces gangs criminels commettent des violences innommables, terrorisent les populations vulnérables en toute impunité et sapent les efforts visant à rétablir la loi et l’ordre dans le pays. Des milliers de personnes ont été forcées de fuir leurs foyers, entraînant une augmentation de près de 170 000 personnes déplacées en 2023. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) rapporte qu’en 2023, la violence des gangs, qui sévit partout au pays, était responsable d’au moins 4 451 décès (3 801 hommes, 538 femmes et 112 enfants), 1 668 blessés (1 193 hommes, 420 femmes, 55 enfants) et 1 962 enlèvements. Il s’agit d’une forte hausse comparativement à 2022.

Depuis janvier 2023, le HCDH a documenté le pillage ou la destruction de plus de 1 880 foyers et entreprises. Dans le département de l’Artibonite, les gangs ciblent de plus en plus les propriétés agricoles, volant des centaines de têtes de bétail appartenant à des résidents et demandant des rançons aux agriculteurs pour l’utilisation de leurs propres terres agricoles. La réduction de l’accès aux terres cultivées exacerbe l’insécurité alimentaire aiguë et accroît le besoin d’aide humanitaire.

La violence des gangs dans certains quartiers a également eu un impact sur l’approvisionnement en matériel médical et sur le déplacement du personnel vers les établissements de santé. Tout au long de l’année 2023, le HCDH a constaté que plusieurs établissements de santé et hôpitaux gérés par des organisations gouvernementales ou non gouvernementales ont été attaqués ou contraints de suspendre leurs activités en raison de menaces ou d’actes de violence de la part de gangs. Ces actions perturbent l’accès aux services de santé et aux soins médicaux dans un contexte où l’accès à l’eau, à l’hygiène et à d’autres services essentiels est déjà limité.

La communauté internationale est saisie par la détérioration continue de la situation et prend des mesures pour limiter le flux de soutien financier à ceux qui perpètrent des violences en Haïti. En octobre 2022, la communauté internationale a pris des mesures pour limiter le flux de soutien financier à ceux qui perpètrent des violences en Haïti, notamment par le biais de la résolution 2653 du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), qui a établi un régime de sanctions sur Haïti. Ce régime comprend un embargo ciblé sur les armes, une interdiction de voyager et un gel des avoirs des personnes et entités désignées qui sont responsables ou complices d’actes menaçant la paix, la sécurité ou la stabilité du pays. Par la suite, le 19 octobre 2023, le CSNU a autorisé le renouvellement du régime de sanctions pour un an. Le Canada met en œuvre le régime de sanctions du CSNU par le biais des règlements pris en vertu de la Loi sur les Nations Unies.

Le 4 novembre 2022, le Canada a mis en place un régime de sanctions autonome en réponse à la situation en Haïti. Le Règlement sur Haïti permet d’imposer des sanctions aux personnes qui soutiennent la violence en Haïti ou y incitent, y compris les chefs de gangs criminels qui infligent des violences à la population, ainsi que les personnes qui financent, soutiennent ou tirent profit de ces activités. Depuis l’entrée en vigueur de ce règlement, le Canada a sanctionné 31 personnes en vertu de ce régime.

Objectif

Les modifications apportées au Règlement sur Haïti visent à faire pression sur les membres de gangs criminels pour qu’ils mettent fin à la violence et aux violations des droits de la personne, tout en envoyant un message fort aux Haïtiens et à la communauté internationale, à savoir que l’impunité pour de tels actes n’est pas tolérée.

Description

Les modifications désignent trois individus maintenant soumis à une interdiction générale de transactions. Il existe des motifs raisonnables de croire que les individus figurant sur la liste sont des chefs de gangs qui se sont engagés dans des activités qui, directement ou indirectement, portent atteinte à la paix, à la sécurité et à la stabilité d’Haïti. Ces actes comprennent également des violations flagrantes et systématiques des droits de la personne en Haïti.

À ces modifications s’ajoute une correction mineure concernant l’orthographe d’un nom figurant déjà sur la liste.

Il est interdit à toute personne au Canada ou à tout Canadien à l’étranger d’effectuer des transactions à l’égard des biens des personnes inscrites sur la liste, de conclure des transactions avec elles, de leur fournir des services, de leur transférer des biens ou de mettre des biens à leur disposition de quelque manière que ce soit. Ces mesures rendent également les personnes inscrites inadmissibles au Canada en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR).

En vertu du Règlement sur Haïti, les personnes inscrites peuvent demander par écrit à la ministre des Affaires étrangères que leur nom soit retiré de l’annexe des personnes désignées. La ministre doit déterminer s’il existe des motifs raisonnables de recommander au gouverneur en conseil la radiation de la liste.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada s’entretient régulièrement avec les intervenants concernés en Haïti, dont des organisations de la société civile et d’autres gouvernements partageant les mêmes idées, concernant l’approche du Canada en matière d’aide internationale en Haïti, y compris pour la mise en œuvre des sanctions. À titre d’exemple, le Canada préside le Groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social des Nations Unies sur Haïti et utilise cette tribune pour développer des analyses, discuter avec ses alliés de l’approche de la communauté internationale à l’égard d’Haïti et coordonner des réponses internationales aux défis économiques et de développement auxquels le pays est confronté.

En ce qui concerne les présentes modifications, une consultation publique sur les personnes à ajouter à l’Annexe du Règlement sur Haïti n’aurait pas été appropriée. La publication des noms des personnes visées par les sanctions aurait pu entraîner une fuite d’actifs avant l’entrée en vigueur du Règlement.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une première évaluation de la portée géographique de l’initiative a été effectuée et n’a révélé aucune obligation découlant des traités modernes, puisque les modifications ne prennent pas effet dans une zone touchée par de tels traités.

Choix de l’instrument

Au Canada, les règlements sont les seuls instruments permettant d’appliquer des sanctions. Aucun autre instrument ne pourrait être envisagé.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

En prenant ces mesures, le Canada envoie un message clair aux Haïtiens et à la communauté internationale, à savoir que l’impunité ne sera pas tolérée pour les violences et les violations des droits de la personne. Les modifications s’alignent sur les objectifs stratégiques existants visant à répondre aux crises humanitaires, sécuritaires et politiques multidimensionnelles en Haïti. Elles font également progresser les objectifs stratégiques axés sur la promotion des droits de la personne et la lutte contre l’impunité. Enfin, les modifications s’appuient sur des mesures existantes, renforçant ainsi l’engagement ferme du Canada à promouvoir la paix et la sécurité régionales. Ce travail se fait en collaboration avec la communauté internationale afin de soutenir les efforts des autorités haïtiennes pour rétablir la loi et l’ordre.

Les coûts supplémentaires pour le gouvernement du Canada liés à l’administration et à l’application de ces interdictions additionnelles sont minimes. Les sanctions visant des personnes spécifiques ont également moins d’incidence sur les entreprises canadiennes que les sanctions économiques traditionnelles de portée générale et affectent peu les citoyens haïtiens.

À la lumière d’une première analyse de renseignements provenant de sources ouvertes, il est estimé que les personnes figurant sur la liste ont des liens limités avec le Canada et n’entretiennent donc pas de relations d’affaires importantes qui sont pertinentes pour l’économie canadienne. Ces modifications ne devraient donc pas avoir d’impact significatif sur les Canadiens et les entreprises canadiennes.

Les banques et institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Pour ce faire, elles doivent ajouter les nouvelles interdictions à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de conformité.

Lentille des petites entreprises

Le Règlement sur Haïti interdit aux entreprises canadiennes de traiter avec les personnes figurant sur la liste, de leur fournir des services ou de mettre des biens à leur disposition. Toutefois, il ne crée pas d’obligation administrative directe à leur égard. Les entreprises canadiennes peuvent demander des permis en vertu du Règlement sur Haïti afin de les autoriser à mener des activités ou des transactions spécifiques qui sont autrement interdites, ce qui pourrait engendrer des coûts supplémentaires. Comme ces permis sont accordés à titre exceptionnel et qu’Affaires mondiales Canada ne prévoit pas de demandes résultant de l’inscription de ces personnes sur la liste, cette exigence n’entraînerait aucun fardeau administratif supplémentaire. Les petites entreprises canadiennes sont également assujetties à l’obligation de divulgation en vertu du Règlement sur Haïti, ce qui représente une exigence de conformité directe. Étant donné que les personnes nouvellement inscrites ont des liens connus limités avec le Canada, Affaires mondiales Canada ne s’attend pas à ce que les modifications entraînent des divulgations.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas, car il n’y a pas de changement venant accroître le fardeau administratif des entreprises. Le processus de délivrance de permis aux entreprises correspond à la définition de « fardeau administratif » de la Loi sur la réduction de la paperasse. Toutefois, bien que des permis puissent être accordés à titre exceptionnel en vertu du Règlement sur Haïti, Affaires mondiales Canada ne prévoit pas de demandes de permis résultant des présentes modifications puisque les personnes inscrites ont des liens commerciaux limités avec l’économie canadienne.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Les modifications ne sont pas liées à un plan de travail ou à un engagement dans le cadre d’un forum officiel de coopération réglementaire. Ces mesures s’harmonisent avec celles prises par les alliés et partenaires du Canada, y compris les résolutions du CSNU.

Évaluation environnementale stratégique

Il est peu probable que les modifications entraînent des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)

Le sujet des sanctions économiques a déjà fait l’objet d’une analyse des effets sur le genre et différentes catégories de personnes dans le passé. Bien qu’elles visent à encourager un changement de comportement en exerçant une pression économique sur des entités et des particuliers à l’étranger, les sanctions prises en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) peuvent néanmoins avoir une incidence imprévue sur certains groupes et certaines personnes vulnérables.

Les sanctions ciblées ont un effet non pas sur la population haïtienne dans son ensemble, mais bien sur les personnes et entités soupçonnées de participer à des actes de violence et à des violations des droits de la personne à grande échelle, attisant la crise humanitaire en Haïti et créant de l’instabilité. Par conséquent, ces sanctions n’auront probablement pas de conséquences importantes sur les groupes vulnérables comme c’est le cas des sanctions économiques traditionnelles à grande échelle contre un État.

En outre, ces sanctions sont adoptées en vue d’aider les populations vulnérables, en particulier les femmes et les filles, qui continuent de voir quotidiennement leurs droits fondamentaux bafoués par les gangs criminels, notamment par des actes de violence sexuelle et fondée sur le genre.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

Les modifications entrent en vigueur à la date de leur enregistrement.

À la suite de leur inscription à la liste du Règlement sur Haïti, et conformément à l’application de l’alinéa 35.1b) de la LIPR, les personnes désignées seront interdites de territoire au Canada.

Les noms des personnes inscrites pourront être consultés en ligne par les institutions financières et seront ajoutés à la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes. Cela contribuera à faciliter le respect du Règlement sur Haïti.

Le Service des délégués commerciaux d’Affaires mondiales Canada, à l’étranger et au Canada, continuera d’aider ses clients à bien comprendre la réglementation canadienne en matière de sanctions, et notamment l’effet du Règlement sur Haïti sur toutes les activités auxquelles les Canadiens pourraient prendre part. Affaires mondiales Canada intensifie également ses efforts de sensibilisation partout au Canada — notamment auprès des entreprises, des universités et des gouvernements provinciaux et territoriaux — afin de renforcer la prise de conscience et le respect des sanctions canadiennes à l’échelle nationale.

Dans le cadre de la LMES, les agents de la Gendarmerie royale du Canada et de l’Agence des services frontaliers du Canada ont le pouvoir de faire respecter les violations relatives aux sanctions en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés par la Loi sur les douanes, la Loi sur l’accise ou la Loi de 2001 sur l’accise, et les articles 487 à 490, 491.1 et 491.2 du Code criminel.

Conformément à l’article 8 de la LMES, toute personne qui contrevient volontairement ou ne se conforme pas au Règlement est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement maximale d’un an, ou des deux. Une condamnation à la suite d’une mise en accusation peut mener à une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Personne-ressource

Direction générale des sanctions
Affaires mondiales Canada
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2
Courriel : sanctions@international.gc.ca